Corrélations anatomo-cliniques

Physiopathologie

Le syndrome de Pourfour du Petit complet se caractérise cliniquement par une mydriase sans atteinte des réflexes pupillaires normaux, une exophtalmie, une rétraction palpébrale, une pâleur de la face par vasoconstriction, une hyperhidrose. Ces signes que l’on a pu retrouver expérimentalement sont tous des manifestations d’une excitation au niveau des voies sympathiques.

D’autres signes ont été signalés : diminution du clignement oculaire, augmentation de la sécrétion lacrymale [31,51].

Les voies sympathiques restant homolatérales dans tout leur trajet, les manifestations cliniques du syndrome de Pourfour du Petit sont donc également homolatérales à la lésion responsable.


La mydriase

C’est le signe capital, parfois isolé, sans lequel le diagnostic ne peut être évoqué. Elle est due à la stimulation de la voie sympathique pupillo-dilatatrice (mydriase spasmodique) innervant le muscle dilatateur de l’iris. Elle n’est jamais maximale comme dans les mydriases d’origine parasympathiques, et reste discrète, voire même latente du fait de la persistance du tonus parasympathique. Elle demande alors à être révélée par l’épreuve des collyres [24,29].

A l’épreuve de Coppez, la cocaïne, sympathomimétique, n’a pas ou peu d’action sur cette mydriase d’origine sympathique. L’atropine, parasympatholytique, dilate au maximum cette mydriase par la levée du tonus.

Cette mydriase est réactive : le réflexe photomoteur, la réaction à la vision de près, ainsi que les autres réflexes pupillaires sont conservés à l’examen clinique usuel. Leurs voies anatomiques sont en effet indépendantes dans leur trajet de la voie sympathique. Il semble cependant que l’enregistrement cinématographique mette en évidence des perturbations du réflexe lumineux [24]. Ces caractéristiques de la mydriase par excitation des voies sympathiques, dite également mydriase spasmodique, permettent de la distinguer d’une mydriase par paralysie de la voie parasympathique pupillo-constrictrice, responsable, elle, d’une mydriase dite paralytique, avec atteinte des réactions et des réflexes pupillaires à l’examen usuel. Il existe des observations où la confusion a été faite malencontreusement [22].

L’élargissement de la fente palpébrale

Il est la conséquence de la contraction du muscle de Müller sur la paupière supérieure et de son homologue sur la paupière inférieure qui contribuent au maintien de l’ouverture palpébrale. Ces muscles sont en effet innervés par les mêmes voies sympathiques que le muscle dilatateur de la pupille.

On a parfois rencontré des signes d’asynchronisme oculo-palpébral [32] comme :
- le signe de von Graefe : défaut de synchronisme entre les mouvements d’élévation et d’abaissement de la paupière supérieure et les mouvements semblables du globe oculaire ;
- le signe de Stellwag : allongement de la fente palpébrale avec occlusion incomplète des yeux quand le malade croit les avoir fermés.

L’exophtalmie

La discrétion habituelle de ce signe fait que sa réalité anatomique même est parfois contestée. Selon les auteurs trois hypothèses sont évoquées.

Ce pourrait être une fausse exophtalmie, seulement apparente et liée à la rétraction palpébrale [1,29,52].

Pour d’autres, elle serait l’illustration du rôle trophique du sympathique sur la graisse orbitaire liée à une congestion en rapport avec les perturbations vasomotrices [29,39].

Enfin, certains attribuent la protrusion du globe oculaire à la contraction du muscle orbital de Landström, reliquat d’une formation rudimentaire qui chez les mammifères est constitué de minces faisceaux de muscle lisse [32].

Le fait que parfois sont associés des signes de von Graefe et de Stellwag explique la possibilité d’attribuer de manière erronée le tableau à une dysthyroïdie inexistante [32].

Autres signes

L’hyperhidrose

C’est un symptôme inconstant du syndrome de Pourfour du Petit. Sa présence ou son absence sont en effet liées entre autres, à la localisation de la lésion. Les fibres contrôlant la sudation suivent dans leur trajet les voies sympathiques jusqu’au ganglion cervical supérieur où elles quittent le tronc commun par le plexus carotide externe pour gagner la peau.

Il résulte de l’anatomie que les modifications de la sécrétion sudorale de la face et du cou signent une lésion sympathique cervicale. Un syndrome de Pourfour du Petit avec hyperhidrose de l’hémiface est lié à une atteinte des voies sympathiques siégeant au niveau ou en deçà du ganglion cervical supérieur, lieu où les fibres sudomotrices quittent le trajet sympathique cervical. Lorsque la sécrétion du bras est également concernée, cela dénote une lésion au niveau ou en deçà du ganglion stellaire ou ganglion cervical inférieur [2].

Le degré de sécrétion sudorale peut être exactement déterminé par la mesure soit de la température, soit de la résistance cutanée. Après sympathectomie, la température de la peau augmente à cause de la vasoplégie qui se produit et la résistance électrique cutanée augmente également [40].

Les troubles vasomoteurs

La pâleur et la diminution de la température locale de l’hémiface qui accompagnent parfois l’excitation du sympathique sont dues à une vasoconstriction locale par action des fibres vasomotrices qui accompagnent les fibres pupillo-dilatatrices.

L’augmentation de la sécrétion lacrymale

Elle est liée à la présence de fibres sympathiques pour les glandes lacrymales qui suivent sur une partie de leur trajet - jusqu’au plexus carotidien interne - les fibres sympathiques à visée irido-dilatatrices [26].

La même remarque que pour l’hyperhidrose s’applique aux troubles vasomoteurs et de la sécrétion lacrymale. Leur présence ou non dépend du niveau de la lésion responsable sur le trajet des fibres sympathiques, les fibres vasomotrices pour la face et lacrymales quittant le tronc commun sympathique au niveau du ganglion cervical supérieur pour suivre le plexus carotidien externe.

Etiologies

Les étiologies de ce syndrome sont les mêmes que celles du syndrome déficitaire du sympathique et il existe quelques observations où le second a succédé au premier [27,45].

Toute excitation de nature accidentelle (hématome, traumatisme, compression par épanchement de liquide, attrition d’une esquille osseuse) ou inflammatoire du sympathique cervical peut être à l’origine d’un syndrome de Pourfour du Petit [22,24,26].

Le syndrome de Pourfour du Petit peut avoir des causes [4,24,27,29,44] :
- centrales, peu décrites ;
- médullaires : compressions par hématome à la suite de graves traumatismes de la moëlle [24,29], syringomyélie [29], anévrismes, tumeurs débutantes de la moëlle cervicale [24] ;
- cervicales et médiastinales : anévrismes, traumatismes, tumeurs, en particulier rétropharyngiennes, adénopathies, lésions pulmonaires atteignant l’apex (pleurésies, bronchectasies, tuberculose pulmonaire apicale, pneumothorax, côte cervicale, tumeur [2,3,6,58]), hypertrophie de la thyroïde (par action mécanique sur le sympathique et non par action endocrinienne) [24,29], irritation cicatricielle après intervention chirurgicale cervicale (thyroïdienne, parotidienne, cathétérisme...) [4,22,58].

On retrouve avant tout des causes cervicales et médiastinales, et plus particulièrement : anévrismes des vaisseaux thoraciques et de la crosse de l’aorte, tumeur médiastinale, adénopathie trachéo-bronchique, lésion pulmonaire du sommet et surtout pleurésie [24,29].

Les étiologies sont donc nombreuses et doivent être recherchées tout au long du trajet des fibres sympathiques irido-dilatatrices depuis l’hypothalamus jusqu’à l’iris. Cette rechercher est cependant souvent infructueuse [24,44].

La recherche étiologique d’un syndrome de Pourfour du Petit doit comporter au minimum :
- un examen ophtalmologique ;
- un examen du cou et de la glande thyroïde ;
- un examen neurologique complet ;
- une étude radiologique du thorax ;
- un examen tomodensitométrique du médiastin et du cou ;
- une IRM cérébrale.

Evolution

Le syndrome de Pourfour du Petit peut régresser complètement ou persister définitivement [27].

Il peut également être le premier stade d’un syndrome déficitaire qui apparaîtra ultérieurement [24,55,58]. On peut le retrouver (complet, partiel ou limité à une mydriase) lors de lésions d’évolution progressive atteignant la chaîne sympathique, par exemple tumorales, la lésion progressant un syndrome de Claude Bernard-Horner peut alors le remplacer [3,8].

Ce syndrome peut être à l’origine de complications, en dehors des troubles visuels ; en cas d’exophtalmie marquée, il peut en effet se compliquer de kératite, de conjonctivite, d’épiphora [27].

Le principal intérêt de ce syndrome réside dans le fait qu’il peut aider au diagnostic précoce des lésions sous-jacentes, avant qu’elles ne se manifestent par d’autres complications.



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