Le syndrome de Pourfour du Petit : Revue de la littérature des observations rapportées

Cas cliniques décrits

Syndrome oculaire unilatéral au cours d’un goitre simple

Widal et Abrami [60] rapportent en 1908 l’observation d’une jeune fille de 19 ans atteinte d’un goitre simple de volume modéré depuis plusieurs années. A l’occasion de la survenue d’une poussée de thyroïdite, un syndrome d’excitation du sympathique cervical s’y associe.

Ils observent en quelques heures une hyperthermie et une tuméfaction régulière, douloureuse de l’ensemble de la glande, avec prédominance nette sur le lobe gauche. Ils décrivent des troubles oculaires simultanés, localisés uniquement à gauche : un élargissement de la fente palpébrale, une exophtalmie légère, une mydriase. Ils notent : “le premier de ces signes est très apparent : la cornée gauche est plus largement découverte que la droite, et, quand la malade regarde droit devant elle, la paupière inférieure gauche, dont le bord libre n’est plus rectiligne, mais concave, laisse apercevoir une partie de la conjonctive bulbaire qu’on ne voit pas à droite. L’exophtalmie est légère, mais nette, et se reconnaît principalement au bombement des deux paupières, l’inférieure surtout, dans l’occlusion des yeux. Quant à la mydriase, elle est très accentuée.”

Ils ne retrouvent pas d’autres signes oculaires : l’oculomotricité est normale ; les signes de von Graefe, et de Stellwag sont absents ; les réflexes photomoteur, de l’accommodation à la vision de près et consensuel sont normaux ; la vision est également normale.

Ils ne notent pas de phénomène vasomoteur anormal du côté correspondant de la face ni de manifestations de thyrotoxicose (tremblements, tachycardie).

Le tableau oculaire, qui s’est constitué en quelques heures, s’atténue au cours du mois suivant, parallèlement à la régression de la tuméfaction thyroïdienne, le lobe gauche restant plus volumineux. Cependant le syndrome d’excitation du sympathique reste net.

Dans ce cas l’exophtalmie aurait pu être attribuée à une maladie basedowienne avec exophtalmie mais l’on ne retrouve chez la patiente aucun des autres signes fondamentaux de l’hyperthyroïdie : tremblements, tachycardie ; d’autre part, la mydriase ne pourrait être expliquée dans un tel cadre.

Le tableau représenté ici réalise le syndrome d’excitation expérimentale du sympathique cervical : exophtalmie légère, élargissement de la fente palpébrale, mydriase. Il est probable que dans ce cas ce syndrome soit lié à l’excitation du sympathique par la tuméfaction thyroïdienne surtout développée du côté gauche.

Syndrome d’excitation du sympathique au décours d’une intervention pour extraction d’un corps étranger de l’œsophage

Vernieuwe [56] rapporte en 1915 l’observation d’un enfant de 5 ans, ayant nécessité une difficile intervention pour extraction d’un éclat d’os pointu fixé dans la paroi ulcérée de l’œsophage, au niveau de la sixième vertèbre cervicale. Il note que : “Dès le lendemain de l’intervention, l’excitation du sympathique, due aux manœuvres pénibles de l’extraction se traduisit par de la mydriase du côté droit” accompagnée de troubles circulatoires (tachycardie) et respiratoires qui allèrent en s’amendant. Par contre, “la dilatation pupillaire alla en augmentant sans cesse , si bien que [...] trois semaines après l’extraction la pupille droite mesurait 8 millimètres au repos et la pupille gauche 4 millimètres seulement”. Trois mois après, “ [...] le petit malade montrait encore une mydriase droite manifeste, mais, de plus, de la ptose de la paupière supérieure, de l’énophtalmie, et cette tare devait devenir indélébile.”

Le patient ne présente pas de troubles vasculaires de la joue ni de l’oreille.

L’examen des pupilles réalisé quelques années plus tard met un évidence une mydriase modérée à droite, avec conservation des réflexes consensuel, photomoteur et d’accommodation-convergence. L’épreuve des collyres est en faveur d’une mydriase spasmodique par excitation sympathique, la cocaïne étant sans action alors que l’atropine dilate les deux pupilles.

Examen des pupilles
 :

 

Pupille droite

Pupille gauche
Pupille au repos, trois semaines après l’intervention 8 mm 4 mm
Pupille au repos, éclairage du jour 4,5 mm 3 mm
Pupille au repos, éclairage mitigé 5 mm 3,5 mm
Réflexe photomoteur normal normal
Réaction consensuelle normale normale
Réaction de convergence et d’accommodation normale normale
Instillation de cocaïne à 4 % 4,5 mm (sans action) 3 mm (sans action)
Instillation d’atropine à 0,1% 6,5 mm 7,5 mm

Cette observation présente la particularité de l’intrication des deux syndromes d’excitation et de paralysie du sympathique : la mydriase isolée et plus importante dans un premier temps, est d’origine irritative sympathique comme l’atteste l’épreuve des collyres et la conservation des réflexes, l’énophtalmie et la chute palpébrale survenues ultérieurement sont elles liées à une atteinte paralytique des voies sympathiques.


On retrouve dans la littérature quelques observations brèves de cas similaires [55] : deux cas de paralysie radiculaire du plexus brachial avec mydriase et rétrécissement de la fente palpébrale et un cas de syringomyélie frustre avec hémiatrophie faciale, diminution de la fente palpébrale, énophtalmie et mydriase, qui pourraient relever du même phénomène.

L’interprétation des cas dissociés reste difficile étant donnés leur rareté et le peu de documents à leur sujet. Velter et Tournay [55] rapportent l’observation d’une femme “ayant une fracture irrégulière de la clavicule avec un éclat effilé s’engageant dans la profondeur” ; elle présentait un syndrome oculo-sympathique dissocié avec énophtalmie et rétrécissement de la fente palpébrale mais sans troubles pupillaires. On peut évoquer l’atteinte isolée de certains groupes de fibres au sein de la chaîne sympathique, le même processus provoquant une paralysie de certaines fibres, une excitation d’une autre partie du contingent, sachant que l’atteinte excitatrice représente quelquefois le stade initial de l’atteinte paralytique. L’absence d’observations détaillées ne permet pas de conclure.

Syndrome de Pourfour du Petit au cours de la poliomyélite antérieure aiguë

Alors qu’il était plus fréquent d’observer un syndrome de Claude Bernard-Horner dans la poliomyélite antérieure aiguë (paralysie infantile), Babonneix (1921) en rapporte trois cas associés à une mydriase unilatérale [5].

Une jeune fille de vingt ans, sans autre antécédent qu’un grave traumatisme cérébral survenu à l’âge de deux ans, est prise, soudainement, d’une paralysie portant sur toutes les branches du nerf moteur oculaire commun. L’une de ses pupilles était considérablement plus large que l’autre, et privée de tout mouvement. L’œil correspondant était proéminent, la fente palpébrale élargie.

Un jeune homme présente brutalement des troubles paralytiques et atrophiques localisés aux membres supérieurs, mais prédominant à gauche. Il présente une inégalité pupillaire, avec une légère mydriase gauche. Ses réaction pupillaires sont normales, il n’y a pas de rétrécissement du champ visuel. L’inégalité pupillaire persistait encore au bout de six mois.

Une fillette de treize ans présente d’abord une paralysie flasque avec atrophie prédominant aux membres supérieurs. Elle présente ensuite des manifestations spasmodiques, surtout nets aux membres inférieurs, une mydriase de l’œil gauche. Les réactions photomotrices sont bonnes, il n’y a pas de troubles de la musculature oculaire externe ni de lésions du fond d’œil. Les recherches de laboratoire ont permis d’éliminer une syphilis.

Dans le premier cas, malgré l’association de la paralysie oculomotrice, la mydriase, quoique non réactive, est probablement également d’origine sympathique au vu de l’existence du même côté des deux autres signes principaux de syndrome d’excitation : élargissement de la fente palpébrale et exophtalmie. La paralysie des fibres irido-constrictives n’expliquerait pas en effet ces deux symptômes.

L’auteur évoque la probabilité d’un foyer de poliomyélite siégeant à la limite de la moëlle cervicale et dorsale qui expliquerait à la fois tous les phénomènes constatés (mydriase sympathique et symptômes moteurs ou sensitifs, en rapport avec une lésion de C8-D1).

Syndrome de Pourfour du Petit par lésion de la région thalamo-hypothalamique

Sainton et coll. (1925) [43] rapportent le cas d’un malade qui présentait des troubles sensitifs du côté droit, une légère incoordination et une exagération des réflexes rotulien et tricipital du même côté. Lors du premier examen il n’existe aucun trouble pupillaire. Le diagnostic de tumeur cérébrale ayant été posé, il subit une radiothérapie de la région pariétale gauche. Malgré ce traitement, les troubles augmentent. Il présente ensuite, en plus des signes précédents, des troubles vasomoteurs et thermiques à droite et des troubles oculaires : légère exophtalmie droite avec fente palpébrale élargie et exagération de la sécrétion lacrymale du même côté. Par contre les pupilles sont égales et réagissent normalement. Par la suite d’autres nerfs crâniens sont envahis (nerf facial droit, nerf trijumeau). A l’autopsie “on trouve une tumeur de l’hémisphère gauche empiétant sur la ligne médiane et les noyaux gris du côté opposé, siégeant dans la région thalamique gauche occupant les noyaux interne et externe. Elle s’étendait en bas dans la région sous-optique, le corps de Luys et le locus niger ; en dehors vers le segment postérieur de la capsule interne et atteignait le putamen ; en dedans elle comblait le troisième ventricule et atteignait la région opto-thalamique droite.” [26,43]. On peut expliquer le syndrome de Pourfour du Petit droit par l’atteinte de la région thalamique droite.

On peut en rapprocher l’observation d’un patient présentant une lésion tumorale thalamique gauche (Monodesi 1916). A une hémiplégie droite progressive sans altération des sensibilités était associé un syndrome d’excitation du sympathique droit : exophtalmie légère, élargissement de la fente palpébrale, mydriase et augmentation de la sécrétion lacrymale. A l’examen anatomique, la lésion (dégénérescence kystique d’un gliosarcome), siégeait aux deux tiers antérieurs du thalamus gauche, respectant le tiers postérieur de la capsule interne [26].

Une autre observation ancienne (Foix et coll. 1925) [21] rapporte le cas d’un patient de 60 ans avec une hémiparésie gauche brutale datant de deux ans sans qu’il y ait eu d’ictus ni de perte de connaissance. L’examen retrouvait un syndrome thalamique gauche peu marqué avec hémiparésie gauche (limitée à une diminution de la force musculaire des extrémités gauches), une prédominance des troubles hémi-algiques gauches, sans troubles de la sensibilité objective, des troubles minimes de la coordination et l’absence d’hémianopsie. Le patient présentait également un syndrome d’excitation du sympathique oculaire du côté gauche (élargissement de la fente palpébrale, exophtalmie, mydriase), et une hypersudation de la moitié gauche du corps et de l’hémiface gauche [21,26].

Les auteurs décrivent ainsi le tableau [21] : “On est frappé dès l’abord par la flagrante dysmétrie des deux yeux du malade, l’œil gauche étant manifestement plus ouvert que l’œil droit. Si l’on précise, on voit que le globe oculaire gauche est plus saillant, que la fente palpébrale est plus ouverte à gauche, que la paupière supérieure est rétractée comme cela se voit dans le goitre exophtalmique, enfin que la pupille gauche est en mydriase (d’où inégalité pupillaire très nette). L’œil gauche apparaît plus brillant que l’œil droit. L’hypothèse d’une paralysie du VII supérieur qui vient tout de suite à l’esprit s’élimine facilement du fait de la rétraction de la paupière supérieure et de l’intégrité au point de vue motilité du sourcilier et du frontal. [Il existe] une hypersudation très nette, véritablement anormale, que le malade a notée lui-même depuis 6 mois (lorsqu’il fait très chaud ou qu’il travaille), localisée à tout le côté gauche du corps, mais prédominant au niveau de l’hémiface gauche où perlent par temps chaud de grosses gouttes de sueur, alors que le côté droit ne transpire pas. La peau du côté gauche apparaît plus moite au toucher [...]. La sécrétion lacrymale est normale. Nous n’avons pas enregistré de différences nettes entre la vasomotricité des deux côtés du corps au point de vue de la teinte des téguments, de la grosseur des veines, de la température locale.” L’examen oculaire ne retrouvait pas d’hémianopsie, l’oculomotricité est normale, les réflexes pupillaires étaient présents mais diminués à gauche. La radiographie pulmonaire à la recherche d’anomalie pleuro-pulmonaire ou vertébrale était normale.

Ce patient présentait donc un hémisyndrome sensitif gauche d’hyperpathie thalamique sans atteinte des autres formes de sensibilité, une hémiparésie gauche, et un syndrome végétatif associé à une hypersudation de l’hémicorps gauche. De l’aveu même des auteurs, le syndrome végétatif pourrait être un syndrome de Claude Bernard-Horner controlatéral. Ils réfutent cette hypothèse à l’aide des données de l’examen clinique : hypersudation associée de l’hémicorps gauche, exagération du réflexe pilomoteur à gauche qui est normal à droite, mydriase de l’œil droit après instillation de cocaïne dans cet œil. Ils concluent donc à un syndrome d’excitation du sympathique à gauche.

L’interprétation de ce cas clinique reste délicate en l’absence d’information sur les antécédents du patient, sur ses facteurs de risque, sur le reste de l’examen clinique, sur l’existence d’une éventuelle pathologie hypertensive et enfin sur l’évolution du tableau clinique. Il semble que l’état clinique soit resté stable au cours des deux années qui ont suivi l’épisode initial. On connaît des formes de syndromes thalamiques hémi-algiques purs sans troubles objectifs de la sensibilité. Ce tableau évoque une pathologie vasculaire ischémique thalamique ou pariétale [57].

On note que dans ce cas le syndrome de Pourfour du Petit et l’hyperhidrose sont homolatéraux au syndrome thalamique et à l’hémiparésie. Deux hypothèses sont envisageables pour expliquer cette particularité. Certains auteurs ont avancé la possibilité d’un croisement partiel des fibres sympathiques au niveau de la décussation de Forel [55,58]. D’autre part on peut évoquer l’existence de plusieurs foyers de nécrose ischémique. L’ancienneté de la description et l’absence de moyens d’investigation à l’époque ne permettent pas de conclure avec certitude.

Syndrome de Pourfour du Petit au cours d’une hémiplégie capsulaire

On retrouve dans la thèse de J. Périsson [37] un patient atteint d’une hémiplégie gauche totale avec déficit facial à la suite d’une chute. La ponction lombaire pratiquée aussitôt après le traumatisme n’est pas hémorragique. Quatre mois après l’accident, il présente une hémiplégie proportionnelle avec de légers troubles de la sensibilité, un déficit facial gauche net accompagné d’une mydriase très marquée de la pupille gauche et d’un élargissement de la fente palpébrale, les réflexes pupillaires étant tous conservés. Le reste de l’examen est sans particularité, la recherche syphilitique est négative.

Le type de cette hémiplégie est celui observé dans les lésions capsulaires, et les troubles associés (troubles de la sensibilité, atrophie, arthropathies précoces) font penser à l’auteur qu’il s’agit d’une lésion siégeant dans la région de la capsule interne et des noyaux gris centraux.

L’épreuve des collyres donnait des résultats normaux au niveau de la pupille droite. Au niveau de la pupille gauche en mydriase la cocaïne était sans effet tandis que l’atropine provoquait un accroissement de la dilatation et une exagération de l’ouverture de la fente palpébrale. L’ésérine ne provoquait aucune contraction de la pupille. D’après l’épreuve de Coppez, ces résultats sont en faveur d’une mydriase spasmodique par excitation du sympathique.

Cependant, l’absence de moyens d’investigation n’a pas permis d’établir avec certitude le siège précis de la lésion. L’existence de lésions diffuses dans les syndromes post-traumatiques ne permet pas d’attribuer avec certitude le phénomène d’excitation sympathique observé à la lésion responsable de l’atteinte hémiplégique.

Anévrisme de l’aorte thoracique à symptomatologie pleuro-pulmonaire

Benda et Kipfer [7] rapportent en 1936 l’observation clinique d’un homme de 59 ans hospitalisé pour une dyspnée aiguë qui se révélera secondaire à un anévrisme de l’aorte thoracique ancien, fissuré et parvenu à combler toute une partie de l’hémithorax gauche avec refoulement du médiastin vers la droite. Le champ pulmonaire droit n’était pas atteint.

Aux signes cliniques cardio-pulmonaires est associé un discret syndrome d’excitation du sympathique cervical gauche : mydriase, élargissement de la fente palpébrale, exophtalmie légère.

Le patient étant décédé quelques jours après son admission à l’hôpital, l’autopsie mettra en évidence un anévrisme sacciforme, énorme, rempli par des caillots anciens, qui se serait rompu en arrière, laissant filtrer le sang d’une part dans la gaine péri-œsophagienne, d’autre part dans la plèvre gauche. Les infiltrations hémorragiques s’étendaient bien au delà du médiastin et remplissaient presque tout l’hémithorax gauche, formant une gaine serrée autour de l’œsophage. Le reste de l’autopsie ne révèle rien d’anormal.

Le syndrome d’excitation du sympathique semble avoir été dans ce cas le seul signe de compression médiastinal provoqué par la volumineuse masse anévrismale aortique, constituée progressivement et à bas bruit. On retrouve une observation clinique analogue rapportée par J. Fanning (1922) d’un anévrisme de l’aorte thoracique ayant envahi progressivement le poumon droit et associé à une mydriase gauche isolée [20].

Syndrome de Pourfour du Petit révélant une tumeur pulmonaire apexienne

Première observation

Cole et Berghuis [17] rapportent l’observation d’un homme de 57 ans qui consulte à cause d’une souffrance de l’épaule et du bras droit. Il était en parfaite santé jusqu’en mai 1963, quand il tombe dans un escalier, et note aussitôt après une douleur de l’épaule droite. La gêne s’accentue au cours des semaines et des mois qui suivent jusqu’en octobre 1963, où elle est invalidante, touchant la région pectorale antérieure, la face latérale du thorax, la région scapulaire droite et la face postérieure du bras jusqu’au coude. A partir de novembre 1963, sont associés épisodiquement des fourmillements de la main droite. Le patient se plaint également de lui-même, indépendamment de la douleur, d’une hyperhidrose spontanée du côté droit de la face et de la tête, qui le réveille parfois. A partir de février 1964, il a également noté de petites zones d’alopécie du côté droit de la tête, sur la partie droite de la lèvre supérieure, de la face et du menton.

On retrouve dans ses antécédents une poliomyélite à l’âge de cinq ans, avec paralysie partielle des deux extrémités inférieures ; il porte depuis un appareillage orthopédique.

A l’examen clinique, on ne retrouve pas d’anomalie des nerfs crâniens en dehors d’une anisocorie : la pupille droite mesure 5,5 mm de diamètre, la pupille gauche mesurant 4 mm. Elles sont toutes deux circulaires et régulières et réagissent vivement à la lumière et à l’accommodation. La motricité extra-oculaire est normale. Il n’y a pas de modification palpébrale. La station debout est normale, il y a un steppage bilatéral et une diminution de force du membre supérieur droit concernant les muscles innervés par les 5e, 6e et 7e segments cervicaux sans qu’ils soient atrophiés. Les muscles proximaux de ce membre présentent des fasciculations. On retrouve une diminution de force musculaire des membres inférieurs au niveau de la flexion dorsale et plantaire du pied et des orteils, avec une atrophie musculaire bilatérale au-dessous du genou.

Les réflexes ostéo-tendineux sont présents sauf le rotulien gauche et les deux achilléens qui sont absents ; les réflexes tricipitaux sont diminués. Les réflexes cutanéo-plantaires sont en flexion. L’examen de la sensibilité à la piqûre révèle une diminution sur l’extrémité du pouce, de l’index et du médian droits, la proprioception est normale. Une hyperhidrose est notée sur la partie droite de la tête et de la face, intermittente mais marquée lorsqu’elle est présente. Les aires d’alopécie constatées par le patient sont présentes. On remarque comme seule autre anomalie une ostéoarthropathie bilatérale.

Une radiographie pulmonaire met en évidence une opacité de l’apex du poumon droit qui se révélera être à la biopsie un carcinome épithélial de grade III.

Après cobaltothérapie, il subit une intervention chirurgicale. On note alors que la tumeur mesurant 2 cm par 2 cm par 1,5 cm est adhérente aux trois branches du plexus brachial et à l’artère sous-clavière. Un plan de clivage satisfaisant est obtenu entre l’espace rétropleural et les structures contiguës et une résection segmentaire du segment apical est réalisée.

A la suite du traitement, le diamètre des deux pupilles est symétrique, et elles réagissent également à la lumière et à l’accommodation. Il n’y a pas de modification palpébrale. La transpiration paroxystique du côté droit de la tête et de la face persiste. Deux mois après l’opération, bien que l’alopécie du visage soit inchangée, une petite zone d’alopécie de la tête commence à se couvrir de cheveux blancs. Le patient est suivi pendant dix mois jusqu’à sa mort et à aucun moment durant cet intervalle, il ne développera un myosis, un rétrécissement de fente palpébrale ou une anhidrose.

On retrouve chez ce patient les manifestations typiques d’un syndrome de Pancoast-Tobias que l’on rencontre plus souvent associé avec un syndrome de Claude Bernard-Horner. Cette symptomatologie se manifeste ici après une chute. Le patient se plaint spontanément d’une hyperhidrose et d’une alopécie qui seront confirmées par l’observation clinique ainsi qu’une mydriase homolatérale. La radiothérapie et l’intervention chirurgicale sont suivies d’une régression de l’alopécie et d’une égalisation du diamètre pupillaire, sans modification de l’hyperhidrose. Dans l’intervalle de survie, on ne constate pas d’évolution vers un syndrome de Claude Bernard-Horner.

L’alopécie ne fait pas partie des signes cliniques liés à une lésion du sympathique. Il n’a pas été retrouvé d’autres observations où une alopécie aurait été associée soit à un syndrome d’excitation soit à un syndrome paralytique du sympathique. Il semblerait cependant qu’ait été observée anatomiquement une innervation sympathique pour les follicules capillaires [17], sans qu’il y ait eu de preuve concluante basée sur des faits expérimentaux. Les auteurs avancent l’hypothèse d’une vasoconstriction localisée, liée à l’excitation du sympathique cervical, qui provoquerait ainsi l’alopécie. Avec la régression partielle du syndrome après la thérapie, la régénération capillaire évoque en effet une relation entre les follicules capillaires et le système sympathique.

Deuxième observation

Cole et Berghuis [17] rapportent une seconde observation d’un homme de 65 ans qui commence en septembre 1963 à se plaindre d’une gêne douloureuse de son épaule et de son bras gauches associée à des fourmillements de la main gauche. On note un tabagisme de 60 paquets-années. En janvier 1965, il développe une toux avec des crachats teintés de sang, on note une perte de poids de 7 kg. A ce moment la douleur persiste et il remarque l’apparition d’une hypersudation du côté droit de la face, de l’avant-bras et du creux axillaire. Cette hyperhidrose est remplacée un mois plus tard par une anhidrose dans le même territoire.

Il n’est malheureusement examiné qu’en mai 1965. On confirme à ce moment l’anhidrose brachio-faciale et on constate un myosis de la pupille gauche. Il existe une diminution globale de la force musculaire du bras gauche et une atrophie des muscles de l’éminence thénar. La sensibilité à la piqûre est diminuée sur l’ensemble du bras gauche. Il est cachectique, anorexique et a perdu près de 15 kg.

L’examen radiologique révèle une érosion du rachis cervical atteignant les vertèbres C5 et C6 ainsi qu’une large opacité du sommet du champ pulmonaire gauche.

Une biopsie du dôme du poumon gauche sous anesthésie générale révèle un carcinome indifférencié à grandes cellules. On commence la radiothérapie, le patient décède dix jours après le diagnostic anatomo-pathologique.

Ce second patient développe donc une hyperhidrose, dont il se plaint spontanément, dans les seize mois suivant l’installation de la douleur, évoluant dans le mois qui suit vers une anhidrose. Il n’y a malheureusement pas eu d’examen pupillaire durant cette période. Lors du premier examen, vingt mois après le début des symptômes, on constate un syndrome de Claude Bernard-Horner qui persiste dans la courte période d’observation.

L’auteur suggère qu’un interrogatoire soigneux des patients à ce sujet pourrait révéler une plus grande fréquence de l’hyperhidrose, précédant ou non un syndrome de Claude Bernard-Horner. Dans ces deux cas la lésion atteint le neurone post-ganglionnaire entre le centre cilio-spinal de Budge et Waller et le ganglion cervical supérieur.

Dans son traité intitulé “Sindrome apico-costo-vertebral doloroso por tumor apexiano”, J.W. Tobias, en 1931, discute en détail les symptômes complexes produits par les tumeurs apicales thoraciques. Dans un de ces cas, le syndrome de Claude Bernard-Horner a été précédé par des signes d’irritation du sympathique [13,54].

On constate donc à propos de ces deux observations que le syndrome d’excitation du sympathique cervical a les mêmes implications diagnostiques anatomiques que le syndrome paralytique. Ainsi, associé à une souffrance du membre supérieur, le syndrome de Pourfour du Petit doit faire envisager un syndrome de Pancoast-Tobias comme lors d’un syndrome de Claude Bernard-Horner.

Syndrome de Pourfour du Petit lié à des anévrismes intracrâniens

Nappi [32] rapporte l’observation détaillée d’une femme de 52 ans qui souffre depuis plus de vingt ans de céphalées récurrentes pulsatiles gauches.

A la suite d’un coryza banal en Décembre 1972 et d’une salve d’éternuements violents, elle se plaint d’une douleur du globe oculaire gauche avec sensation de gonflement. Elle constate une saillie anormale de l’œil gauche. La douleur de l’œil et la sensation de gonflement durent 2 à 3 heures et se répètent au réveil pendant trois semaines. Par contre la saillie anormale de l’œil gauche persiste. Il n’a pas été rapporté de photophobie, ni de souffle sur le trajet de la circulation céphalique, ni de troubles vasomoteurs de l’hémiface.

Un premier ophtalmologiste note une angiopathie rétinienne hypertensive ainsi qu’une asymétrie de la fente palpébrale avec une ouverture plus importante à gauche qu’à droite, interprétée comme un ptosis de la paupière supérieure droite.

Le 20 Janvier 1973, la patiente est vue par un neurologue qui note une exophtalmie gauche, non pulsatile. L’électroencéphalogramme est normal. Une dysthyroïdie qui aurait pu expliquer l’exophtalmie est éliminée.

Le 9 Février 1973 la patiente est hospitalisée. L’examen d’entrée retrouve :
- une asymétrie de la fente palpébrale plus large à gauche qu’à droite par rétraction de la paupière supérieure gauche, et une exophtalmie apparente.
- une anisocorie pupillaire avec mydriase gauche de degré moyen.

Pour le reste, l’examen neurologique est négatif ; en particulier ne sont pas mis en évidence de signes de souffrance des nerfs oculomoteurs, ni des V
ème et VIIème paires crâniennes, ni d’anomalies des réflexes photomoteur ou d’accommodation-convergence. L’exophtalmométrie confirme que l’exophtalmie n’est qu’apparente (17 mm à droite et à gauche), en rapport avec l’élargissement de la fente palpébrale.

Les tests d’acuité visuelle et de champs visuels sont normaux. L’électrocardiogramme, l’électroencéphalogramme, les radiographies du crâne ne révèlent pas d’anomalie.

Le tableau irritatif présentait de sensibles variations d’intensité, au cours d’une même journée, et suivant les jours. Le tableau persista plus de trois mois, l’évolution ultérieure n’est pas précisée.

Epreuve des collyres
 :
- Esérine à 1 % : myosis bilatéral avec mydriase fugace de l’œil gauche à la 40
ème et à la 60ème minutes.
- Atropine à 1 % : mydriase bilatérale, de survenue plus précoce et de durée plus longue à gauche.
- Cocaïne à 2 % : mydriase bilatérale.
- Régitine : disparition de l’anisocorie, atténuation notable de la rétraction palpébrale, disparition de la pseudo-exophtalmie de l’œil gauche après 15 mn.

Les résultats de l’épreuve pharmacologique sont interprétés comme étant ceux d’un état “d’hyperactivité instable du sympathique oculaire gauche”.

Nappi dresse donc le tableau d’une femme de 52 ans qui se plaint depuis plus de vingt ans de céphalées hémicrâniennes gauches, récurrentes et pulsatiles, qui présente à la suite d’une salve d’éternuements une douleur du globe oculaire gauche avec sensation de gonflement et une saillie anormale du globe.

L’examen neurologique retrouve un élargissement de la fente palpébrale gauche par la rétraction de la paupière supérieure, et une mydriase gauche de degré moyen réactive, l’exophtalmie étant seulement apparente. Il s’agit d’un syndrome de Pourfour du Petit.

Les données anamnestiques et cliniques orientent l’auteur vers la recherche d’une malformation vasculaire intracrânienne.

Une carotidographie gauche met en évidence deux petits anévrismes : le premier sur le trajet de l’artère communicante antérieure en son point d’union avec l’artère cérébrale antérieure gauche ; le second, plurilobé, sur le trajet de l’artère cérébrale moyenne du même côté en son point de subdivision et de pénétration dans la scissure sylvienne. L’étude angiographique de la circulation cérébrale est complétée pour exclure la présence d’anévrismes ou d’autres malformations vasculaires dans un autre territoire de la carotide interne droite et dans la circulation vertébro-basilaire.

L’auteur explique l’excitation des voies sympathiques par les brusques variations de volume du sac anévrysmal qui provoqueraient un étirement et une mise en tension du plexus péri-carotidien, associées à un phénomène de compression directe sur les structures contiguës.

Syndrome de Pourfour du Petit après un traumatisme ancien de la moëlle cervicale

Ottomo et coll. (1980) [34] rapportent l’observation d’un homme de 30 ans tétraplégique depuis huit ans à la suite d’une chute de cheval. Il a subi une laminectomie C6-C7 dix jours après sa chute, évacuant ainsi un hématome intramédullaire. Il n’y a pas eu d’amélioration neurologique.

Huit ans après, le patient se plaint d’une hyperhidrose essentiellement du côté droit du visage et du cou, mais parfois aussi du côté gauche, nécessitant qu’il change de vêtements plusieurs fois par jour. A l’examen on constate ce fait ainsi qu’une anisocorie (7 mm de diamétre pupillaire à droite, 4 mm à gauche). Les réflexes pupillaires sont vifs des deux côtés, la contraction bicipitale volontaire est faible des deux côtés, il n’y a pas de contraction tricipitale, la dorsiflexion des poignets est faible, et les deux mains sont en flexion du fait de la spasticité. Le patient est hospitalisé pour intervention chirurgicale sur un ulcère. On constate, après cette intervention, des accès d’hyperhidrose principalement du côté droit de la face et de la partie supérieure du thorax et occasionnellement du côté gauche. Lors d’un accès du côté droit, la pupille droite devient plus dilatée que la gauche et inversement lors d’un accès du côté gauche la pupille gauche se dilate alors. Quoiqu’on observe la plupart du temps une anisocorie avec pupille droite plus dilatée même lorsqu’il n’y a pas d’hyperhidrose, il peut cependant y avoir égalité pupillaire. Ces changements surviennent généralement après un changement de posture ou lorsque le patient est assis, rarement alors qu’il est couché.

Une nouvelle laminectomie C6-D1 est programmée trois ans plus tard dans l’espoir d’évacuer une cavité intramédullaire. On trouve des adhérences importantes entre la dure-mère et la moëlle, mais pas de signe en faveur d’une formation cavitaire intramédullaire. Les adhérences sont libérées.

En post-opératoire, le patient note une nette amélioration dans la fréquence et l’importance des accès d’hyperhidrose. Sa main gauche est plus détendue. A un an de l’intervention, il ne souffre plus d’hyperhidrose, il y a des épisodes d’anisocorie avec généralement une dilatation pupillaire droite, ses mains sont moins spastiques.

Donc chez cet homme paraplégique la libération des adhérences médullaires dure-mèriennes provoque une amélioration des phénomènes de mydriase et d’hyperhidrose homolatérales qui avaient débuté huit ans après le traumatisme médullaire.

Certains auteurs (Freeman et Russel) ont suggéré que le liquide à l’intérieur d’une cavité intramédullaire syringomyélique formée après une lésion médullaire peut stimuler le système sympathique par déplacement avec les changements de position du patient, produisant l’alternance des signes [34].

D’autres auteurs (P. Herman Ben Zur) mettent en cause les faisceaux tectotegmentospinaux latéraux, situés près de la surface dans la substance blanche intacte autour de la cavité médullaire, qui continueraient d’envoyer des influx vers les colonnes intermédio-latérales [34].

D’après les auteurs de l’observation, dans ce cas, au lieu d’un déplacement de liquide au sein d’une cavité de la moëlle cervicale basse, l’étirement et le relâchement des adhérences dure-mèriennes provoqués par les changements de posture pourraient avoir déclenché des influx de suractivité sympathique et produit l’alternance des symptômes et l’hyperhidrose. Les fibres nerveuses des segments médullaires C7-D1 rejoignant à partir de là la chaîne sympathique étaient probablement englobées dans les adhérences et ont été libérées par la chirurgie.

Même si l’hyperhidrose est un symptôme classique chez les patients présentant des lésions médullaires, il semble que dans ce cas ce soit la participation des fibres sympathiques aux adhérences dure-mèriennes qui l’ait provoquée.

Syndrome de Pourfour du Petit après traumatisme cervical

Teeple et coll.(1981) [53] rapportent l’observation d’une femme de 38 ans ayant subi un traumatisme brutal du côté gauche du cou et de l’épaule (bôme d’un bateau de plaisance). Elle a immédiatement ressenti une douleur du membre supérieur gauche et de l’épaule avec diminution de l’amplitude des mouvements six heures après la blessure.

Un examen clinique vingt-quatre après le traumatisme retrouve une main droite froide sans lésion vasculaire évidente. Les pouls périphériques sont bien frappés et égaux aux deux membres supérieurs. Une radiographie du rachis cervical est négative. Le diagnostic présumé est une douleur provoquée par une dysfonction sympathique après le traumatisme. On prescrit de l’aspirine pour soulager la douleur.

A un second examen, quarante-huit heures après le traumatisme, on note que la patiente porte sa main gauche dans la poche de son manteau. On ne retrouve pas de traumatisme antérieur à celui du voilier au niveau du membre supérieur gauche. Il n’existe pas de notion de troubles de la sudation, d’hyperesthésie, de gonflement, d’exacerbation de la douleur lors d’une stimulation émotionnelle. Il n’existe pas d’autres pathologies médicales.

L’examen clinique retrouve une anisocorie ; le diamètre de la pupille gauche est de 4,5 mm contre 3,5 mm pour la pupille droite. La sclérotique gauche est pâle. Les deux pupilles réagissent symétriquement à la lumière et à l’accommodation. La fente palpébrale gauche est plus large que la droite. L’hémiface gauche est pâle et froide (hémiface gauche à 33°C, hémiface droite à 34,4°C) Il n’y a pas d’œdème ni de cyanose du cou. On note un spasme musculaire modéré du trapèze, du sus-épineux, du biceps et du triceps du côté gauche. Il n’y a pas de zone gâchette de ces muscles. Les pouls carotidiens, brachiaux et radiaux sont symétriques et normaux. Le membre supérieur gauche est douloureux et raide lors des mouvements passifs, et présente une diminution de l’amplitude des mouvements. La pression artérielle est à 120/80 mm Hg des deux côtés. Le reste de l’examen neurologique est normal.

Un bloc du ganglion stellaire avec de la bupivacaïne est réalisé, par voie antérieure, provoquant cinq minutes plus tard un soulagement complet et spectaculaire de la douleur, avec réchauffement et vasodilatation du membre supérieur gauche, ainsi que l’apparition d’un syndrome de Claude Bernard-Horner gauche. Toutefois le bloc ne parvient pas à lever complètement le spasme des muscles du cou, ce qui est obtenu par injection de la portion cervicale du plexus brachial. Ce second bloc soulage considérablement le spasme et améliore l’amplitude de mouvement (pas de bloc moteur).

Un bloc stellaire est réalisé chaque jour pendant trois jours. La température de base du membre concerné est pendant chaque bloc successif plus élevée que lors du précédent bloc ; une amélioration de la circulation et un syndrome de Claude Bernard-Horner sont constatés après chacun des blocs. De plus chaque bloc soulage la douleur pendant dix à vingt heures. Après chaque bloc, son état s’améliore assez pour qu’elle soit capable de poursuivre ses activités.

Une semaine après le dernier bloc, sa main gauche était chaude et il n’y avait pas de différence de température entre les côtés droit et gauche de son visage. Ses pupilles étaient égales, elle n’avait plus besoin d’antalgiques. Six semaines après le traumatisme, il fut noté qu’une faible traction vers le bas du membre supérieur gauche provoquait immédiatement une dilatation transitoire de la pupille gauche, bien que les autres symptômes de l’excitation sympathique aient régressé. La pupille gauche réagissait normalement à la lumière et l’accommodation. Six mois après le dernier bloc, la patiente ne souffrait plus, travaillait, et les anomalies pupillaires étaient résolues.

Une femme de 38 ans présente donc à la suite d’un traumatisme cervical et scapulaire gauche un syndrome de Pourfour du Petit homolatéral typique associé à une douleur du membre supérieur gauche. On note une mydriase réactive, un élargissement de la fente palpébrale, des phénomènes de vasoconstriction du membre supérieur et de l’hémiface gauches. L’auteur mentionne également une exophtalmie, une pâleur de la sclérotique et de la muqueuse nasale, une froideur et une pâleur de l’hémiface avec hypersudation. Un bloc du ganglion stellaire est pratiqué quotidiennement pour traiter les troubles vasomoteurs et la douleur. Au cours de la réalisation de ces blocs, le syndrome de Pourfour du Petit se transforme en syndrome de Claude Bernard-Horner qui disparaît complètement après la dernière infiltration.

Le traumatisme brutal des tissus mous du côté gauche du cou, suivi de la douleur et de la sensation de froid du membre supérieur gauche, la position caractéristique de protection du membre douloureux, la diminution de l’amplitude des mouvements, et l’excellente réponse au bloc sympathique suggèrent l’atteinte sympathique. Le choc d’un objet lourd d’un côté du cou, outre le fait d’entraîner des lésions d’écrasement ou un hématome comprimant la chaîne sympathique, peut également provoquer des lésions d’étirement des éléments nerveux du plexus brachial et de la chaîne sympathique cervicale du même côté. La brutale flexion latérale de la tête du côté opposé peut également avoir été responsable de lésions d’étirement. L’association de l’atteinte du plexus brachial aux troubles pupillaires et sympathiques implique une lésion au niveau des racines nerveuses près de leur émergence. L’auteur suggère que les signes d’excitation du sympathique sont dus à une suractivité des portions fonctionnelles non endommagées du ganglion sympathique.

Syndrome de Pourfour du Petit après bloc du plexus brachial

Large et coll. rapportent cette observation en 1984 [27].

Un homme de 33 ans, admis pour une fracture-luxation du coude droit, subit une anesthésie loco-régionale pour la réduction. Un bloc du plexus brachial est donc réalisé par voie sus-claviculaire. Après une effraction pleurale, le repositionnement de l’aiguille permet d’obtenir une paresthésie typique. Le traitement orthopédique prévu est réalisé.

Une radiographie standard du thorax, pratiquée aussitôt après, révèle l’existence d’un décollement pleural minime du sommet droit. Celui-ci va se transformer à la 24ème heure en un pneumothorax majeur. Après mise en place d’un drain dans la cavité pleurale droite, le poumon revient immédiatement à la paroi. Le drainage aspiratif est maintenu pendant 48 heures. Les suites sont simples. Une semaine plus tard, la radiographie de contrôle est normale.

Un mois après l’accident le patient consulte pour une gêne visuelle avec troubles de l’accommodation. L’examen reconnaît un syndrome de Pourfour du Petit du côté droit, avec rétraction de la paupière supérieure, élargissement de la fente palpébrale, mydriase et exophtalmie. Les réflexes photomoteurs sont normaux et les réflexes consensuels conservés. Aux examens de contrôle pratiqués un, trois et neuf mois plus tard, on constate une amélioration lente et progressive. Au dernier examen, le syndrome de Pourfour du Petit persiste, mais les symptômes sont atténués et il n’existe plus aucun trouble fonctionnel.

Les auteurs évoquent la possibilité d’une irritation par l’extrémité du drain appuyant sur le sommet de dôme pleural, qui aurait pu être la cause d’une cicatrice responsable soit d’un syndrome paralytique, soit d’un syndrome irritatif du sympathique cervical. Cependant, dans l’observation rapportée ici, ils précisent que l’extrémité du drain est toujours restée à distance du sommet de la cavité pleurale [27].

Il semble que le syndrome de Pourfour du Petit observé ici soit la conséquence d’une irritation du sympathique cervical par un hématome ou un granulome secondaire. Cette explication est vraisemblable compte tenu du délai qui sépare le bloc du plexus brachial et le diagnostic du syndrome. Le délai d’apparition exact ne peut pas être précisé puisque le patient était retourné à son domicile.

Syndrome de Pourfour du Petit associé avec une coarctation de l’aorte

Serra et coll. (1986) [50] rapportent l’observation d’un enfant de 8 ans avec des antécédents de céphalées fréquentes et de souffle cardiaque. A l’examen clinique, ils notaient une asymétrie faciale, avec proéminence du côté droit de la face et une différence de la température cutanée et de la sudation. La peau du côté droit de la face était froide et montrait une transpiration considérable même au repos. Le côté gauche de la face semblait être d’une température normale avec une sudation normale. La pupille droite avait un diamètre de 5 mm contre 3 mm pour la pupille gauche, avec une dilatation normale à l’obscurité. Il y avait une rétraction de la paupière supérieure avec élargissement de la fente palpébrale. On observait également une pulsation importante de la région de l’artère carotide droite et sa tête était atteinte d’un mouvement suivant les pulsations cardiaques. Un frémissement palpable était perçu au niveau de la carotide droite. Les bruits du cœur maxima étaient déplacés vers la gauche de la ligne médioclaviculaire, dans le cinquième espace intercostal. Il y avait un frémissement important dans le creux sus-sternal et un souffle rude systolique de grade 4 à 6 plus sourd au bord supérieur gauche sternal, avec irradiation vers les artères carotides. Tous les pouls des extrémités étaient diminués de manière notable, enregistrés à 90 mm Hg en systolique, et pouvant être obtenus seulement par doppler. Une radiographie thoracique montrait une hypertrophie ventriculaire gauche avec une opacité apicale droite.

Le cathétérisme cardiaque et l’exploration par résonance magnétique montrent l’existence d’une coarctation de l’aorte de type B. Les artères carotides primitives droite et gauche et l’artère sous-clavière gauche prennent naissance en amont de l’atrésie. L’artère carotide primitive droite, considérablement dilatée et tortueuse, est le siège d’un flux sanguin très augmenté, revenant vers l’aorte par l’intermédiaire de multiples structures vasculaires, connectées à une artère sous-clavière droite aberrante, naissant de l’aorte descendante en aval de la coarctation et dans laquelle le flux sanguin est inversé. Ces explorations ne mettent pas en évidence de persistance du canal artériel ni d’anomalies intracardiaques.

Le patient fut pris au bloc opératoire et un tube de Dacron de 12 mm fut anastomosé entre la carotide gauche et l’aorte descendante au delà de la coarctation. Les suites opératoires furent simples avec une résolution marquée des céphalées. Bien que l’asymétrie faciale persistât, il y eut une amélioration manifeste, la température de la face devenant presque normale, la transpiration excessive disparaissant presque, le diamètre de la pupille droite revenant à 4 mm. Tous les pouls périphériques étaient excellents.

On retrouve donc dans ce cas les signes principaux du syndrome de Pourfour du Petit : hémiface concernée froide et atteinte d’hypersudation, mydriase réactive à la lumière, élargissement de la fente palpébrale et rétraction de la paupière supérieure, tous ces signes étant localisés à droite.

Les auteurs signalent d’ailleurs que leur première impression est d’être en présence d’un syndrome de Claude Bernard-Horner gauche. C’est la dilatation pupillaire à l’obscurité, l’hyperhidrose droite manifeste et la mise en évidence d’anomalie de la carotide droite près de la chaîne sympathique droite qui leur ont permis d’identifier les conditions pathologiques exactes et de rectifier le diagnostic initial.

Il s’agit en effet ici d’une excitation de la chaîne sympathique cervicale droite, probablement secondaire à la compression et à l’irritation par l’énorme artère carotide presque anévrismale. L’amélioration post-opératoire résulte certainement de la diminution de pression au niveau de cette artère carotide, secondairement à la déviation d’une large part du débit sanguin à travers la prothèse de la carotide gauche vers l’aorte descendante.

Syndrome de Pourfour du Petit à la suite d’une parotidectomie

Byrne et Clough (1990) [16] rapportent l’observation d’un homme de 41 ans qui a subi une parotidectomie gauche pour une tumeur parotidienne mixte. Après l’intervention il remarque une parésie du côté gauche de la face de type périphérique qui régresse en trois mois. Il remarque également en post-opératoire immédiat un élargissement de sa pupille gauche par rapport à la droite. Au début, il a quelques troubles de la vision en relation avec cette dilatation pupillaire, ce qui ne dure pas. Toutefois, les anomalies pupillaires sont encore présentes six mois plus tard lors d’un examen neurologique.

On retrouve à l’examen une rétraction palpébrale gauche, une pupille gauche plus large de 2 mm par rapport à la droite en demi-obscurité. Les deux pupilles réagissent vivement à la lumière et à l’accommodation ; il n’y a pas de troubles de l’oculomotricité ni de diplopie. On ne retrouve pas de transpiration excessive. Le reste de l’examen neurologique est normal.

Les auteurs attribuent ce syndrome à une lésion de la chaîne sympathique cervicale au niveau de l’artère carotide, probablement provoquée au cours de l’intervention. Ils suggèrent que le syndrome doit souvent être méconnu.

Schéma et tableau récapitulatif




Figure 7 : Localisation anatomique des syndromes de Pourfour du Petit retrouvés dans la littérature.
(schéma anatomique d’après Smadja [52])



Référence

Mydriase

Augmentation fente palp.
Rétraction palpébrale.

Exophtalmie

Vaso-constriction

Hyper-hidrose

Autres

Etiologie

Localisation

Evolution

[43] Sainton

Isocorie Présent Présent Présent   Augmentation sécrétion lacrymale Tumeur thalamique Mésencéphale Décès
[26] Monodesi Présent Présent Présent     Augmentation sécrétion lacrymale
Hémiplégie
Tumeur thalamique Mésencéphale Décès
[21] Foix Présent Présent Présent   Présent Sd thalamique
Hémiparésie
  Mésencéphale  
[37] Périsson Présent Présent       Hémiplégie gauche traumatique   Lésion capsulaire?  
[5] Babonneix Présent
Présent
Présent
Présent

Présent

     

Séquelles de poliomyélite antérieure aiguë

Médullaire

Persistance
[34] Ottomo Présent       Présent   Lésions médullai-res (adhérences dure-mèriennes) Médullaire Régression post-opératoire
[27] Large Présent Présent Présent       Bloc plexus brachial Entre origine médullaire et GCI Persistance mais avec régression
[56] Vernieuwe Présent   Absent   Absent Tachycardie
Enophtalmie Rétrécissement de la fente palpébrale
Traumatisme Chaîne sympa-thique / C6 (avant GCI) Persistance
[53] Teeple Présent Présent Présent Présent Présent Sclérotique et muqueuse nasale pâles Etirement ? GCI / plexus brachial Disparition
[7] Kipfer Présent Présent Présent       Anévrisme aorte thoracique avec
envahissement pulmonaire
Apex pulmonaire
= GCI

Persistance
jusquau décès
[20] Fanning Présent          
[17] Cole et Berghuis Présent Absent Absent   Présent Alopécie
Sd de Pancoast

Tumeur pulmo-
naire apexienne

Apex pulmonaire
= GCI
Persistance
CBH
?       Présent Sd de Pancoast
[60] Widal et Abrami Présent Présent Présent Absent Absent   Goitre GCM Persistance
[50] Serra Présent Présent Présent Présent Présent   Malformation Artère Carotide GCS Régression post-opératoire
[16] Byrne Présent Présent     Absent   Parotidectomie GCS / plexus carotidien Persistance
[32] Nappi Présent Présent Présent       Anévrisme intracrânien Portion intracranienne du sympathique  
Au total sur 19 cas 17 12 10 3 6        



Le syndrome de Pourfour du Petit dans la littérature.
GCS : Ganglion cervical supérieur. GCM : Ganglion cervical moyen. GCI : Ganglion cervical inférieur. CBH : Syndrome de Claude Bernard-Horner Sd : Syndrome palp : palpébral(e) Présent : Signe présent Absent : Signe explicitement absent


Le schéma et le tableau précédents reprennent les observations de syndrome de Pourfour du Petit que nous avons pu retrouver dans la littérature. Le schéma nous permet de situer les différents niveaux lésionnels rencontrés, les références se rapportent aux observations concernées ; le tableau résume les signes cliniques liés à l’excitation des voies sympathiques retrouvés au cours de ces observations.

Ce tableau et ce schéma permettent de constater que l’on peut retrouver des cas de Pourfour du Petit tout au long du trajet des fibres de la chaîne sympathique depuis la région hypothalamique jusqu’à la portion intracrânienne. Les cas les plus fréquents sont retrouvés dans la portion cervicale du trajet de ces fibres, zone plus exposée aux traumatismes et aux phénomènes compressifs liés à des processus expansifs. Les cas cliniques atteignant les voies sympathiques avant leur émergence médullaire sont peu nombreux, anciens et mal documentés. La littérature qui témoigne de ce syndrome ne lui reconnaît pas pour origine habituelle de lésion supra-médullaire.

L’étude de ces cas confirme les notions retrouvées dans la littérature, à savoir que la mydriase est le symptôme constant et donc le plus fréquent, qu’elle est fréquemment isolée, mais souvent aussi associée à des modifications palpébrales voire à une exophtalmie. Des troubles de l’accommodation liés à la mydriase n’ont été retrouvés que dans deux cas [16,27].

Dans les observations rapportées, l’existence de troubles vasomoteurs et sécrétoires n’est pas toujours précisée. C’est seulement dans quelques cas que leur absence est explicitement signalée. Ces signes discrets peuvent ne pas avoir été recherchés. Le patient ne les signale de lui-même que lorsqu’ils sont une source de gêne (en cas d’hyperhidrose notamment). Dans ces observations, les troubles vasomoteurs, de la sudation ou lacrymaux ne sont présents que pour des lésions atteignant la chaîne sympathique cervicale en deçà du ganglion cervical supérieur.

Les quelques cas retrouvés où l’on a pu établir une étiologie supramédullaire mésencéphalique restent incertains quant à la localisation exacte de la lésion responsable. Dans ces cas [21,26,37,43], les symptômes d’excitation du sympathique sont controlatéraux à la lésion supposée responsable. Nous avons déjà évoqué à ce sujet l’éventualité d’une décussation partielle des fibres sympathiques au niveau de la région sous-thalamique (décussation de Forel). Dans les autres observations , où la lésion responsable est médullaire ou périphérique, le syndrome de Pourfour du Petit est bien homolatéral à cette lésion.

On remarque que toutes les lésions reconnues auraient pu provoquer un syndrome de Claude Bernard-Horner. D’autre part la suppression de la lésion responsable, lorsque cela est possible, entraîne la régression du syndrome de Pourfour du Petit.

Autres cas

La majeure partie des syndromes de Pourfour du Petit retrouvés dans la littérature sont présentés très brièvement en tant qu’excitation associée du sympathique cervical dans le cadre d’autres pathologies sans que les signes cliniques caractéristiques en soient réellement détaillés. Il n’y a généralement pas de suivi du patient et la plupart de ces cas sont signalés dans des articles anciens, avec des diagnostics parfois imprécis.

On a vu que le syndrome de Pourfour du Petit pouvait être le premier stade d’un syndrome de Claude Bernard-Horner et que les mêmes lésions pouvaient donner l’un ou l’autre des deux syndromes.

On a constaté des mydriases par excitation du sympathique cervical précédant l’installation d’un syndrome déficitaire dans des tuberculoses pulmonaires apicales, dans des bronchectasies et dans des tumeurs pulmonaires [29,58]. Un pneumologue du début du siècle (Sergent, 1922) écrit : “Tout d’abord, la dilatation pupillaire simple s’observe avec une très grande fréquence dans la phase de début des lésions apicales (pneumonie, tuberculose, pleurite du sommet, lésions touchant la zone des filets pupillo-dilatateurs) ; en second lieu, la dilatation pupillaire, lorsque la lésion s’installe et devient chronique, fait place au myosis homologue, qui existe seul pendant un certain temps, avant de s’accompagner des autres éléments du syndrome oculo-palpébral...” [55].

Les tumeurs de la région de l’apex pulmonaire englobent ordinairement l’émergence des fibres sympathiques et le ganglion stellaire, produisant alors un syndrome de Claude Bernard-Horner. Chez des patients présentant une telle pathologie on a cependant rapporté une mydriase homolatérale à la tumeur, réactive à la lumière, associée à une hyperhidrose homolatérale. Certains développent ultérieurement un syndrome de Claude Bernard-Horner [3].

Une observation clinique de H. Coppez (1907) apparaît significative, la même lésion pouvant donner un syndrome d’excitation ou un syndrome déficitaire. En effet, il rapporte un cas où une adénopathie cervicale était accompagnée d’une mydriase homolatérale de type spasmodique lorsque la tête était droite qui se modifiait en un myosis paralytique dans l’inclinaison forte de la tête en avant ; cette manœuvre accentuait vraisemblablement la compression du sympathique par les ganglions lymphatiques hypertrophiés [24,29].

De nombreux cas ne sont malheureusement qu’évoqués dans le cadre de publications sur les anomalies pupillaires :
- lors d’une compression par une tumeur thyroïdienne (Angelucci) [26] qui provoque la même symptomatologie que l’observation de goitre thyroïdien de Widal et Abrami [60].
- certains auteurs ont également constaté une brève dilatation pupillaire d’origine sympathique à la suite d’un thyroïdectomie [58].
- lors d’une syringomyélie débutante (Wilbrand et Sænger) [55]
- à propos d’une tumeur de l’apex pulmonaire englobant l’émergence des fibres sympathiques et le ganglion stellaire, qui donne habituellement un syndrome de Claude Bernard-Horner, Bender M.B. [8] signale un patient qui présente une dilatation pupillaire homolatérale réactive, avec une hyperhidrose de la face ipsilatérale. Le syndrome de Pourfour du Petit évolue secondairement en un syndrome de Claude Bernard-Horner.



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