Le syndrome de Pourfour du Petit : Revue de la littérature des observations rapportées
Cas cliniques décrits
Syndrome oculaire unilatéral au cours dun goitre simple
Widal et Abrami [60] rapportent en 1908 lobservation dune jeune fille de 19 ans atteinte dun goitre simple de volume modéré depuis plusieurs années. A loccasion de la survenue dune poussée de thyroïdite, un syndrome dexcitation du sympathique cervical sy associe.
Ils observent en quelques heures une hyperthermie et une tuméfaction régulière, douloureuse de lensemble de la glande, avec prédominance nette sur le lobe gauche. Ils décrivent des troubles oculaires simultanés, localisés uniquement à gauche : un élargissement de la fente palpébrale, une exophtalmie légère, une mydriase. Ils notent : le premier de ces signes est très apparent : la cornée gauche est plus largement découverte que la droite, et, quand la malade regarde droit devant elle, la paupière inférieure gauche, dont le bord libre nest plus rectiligne, mais concave, laisse apercevoir une partie de la conjonctive bulbaire quon ne voit pas à droite. Lexophtalmie est légère, mais nette, et se reconnaît principalement au bombement des deux paupières, linférieure surtout, dans locclusion des yeux. Quant à la mydriase, elle est très accentuée.
Ils ne retrouvent pas dautres signes oculaires : loculomotricité est normale ; les signes de von Graefe, et de Stellwag sont absents ; les réflexes photomoteur, de laccommodation à la vision de près et consensuel sont normaux ; la vision est également normale.
Ils ne notent pas de phénomène vasomoteur anormal du côté correspondant de la face ni de manifestations de thyrotoxicose (tremblements, tachycardie).
Le tableau oculaire, qui sest constitué en quelques heures, satténue au cours du mois suivant, parallèlement à la régression de la tuméfaction thyroïdienne, le lobe gauche restant plus volumineux. Cependant le syndrome dexcitation du sympathique reste net.
Dans ce cas lexophtalmie aurait pu être attribuée à une maladie basedowienne avec exophtalmie mais lon ne retrouve chez la patiente aucun des autres signes fondamentaux de lhyperthyroïdie : tremblements, tachycardie ; dautre part, la mydriase ne pourrait être expliquée dans un tel cadre.
Le tableau représenté ici réalise le syndrome dexcitation expérimentale du sympathique cervical : exophtalmie légère, élargissement de la fente palpébrale, mydriase. Il est probable que dans ce cas ce syndrome soit lié à lexcitation du sympathique par la tuméfaction thyroïdienne surtout développée du côté gauche.
Syndrome dexcitation du sympathique au décours dune intervention pour extraction dun corps étranger de lsophage
Vernieuwe [56] rapporte en 1915 lobservation dun enfant de 5 ans, ayant nécessité une difficile intervention pour extraction dun éclat dos pointu fixé dans la paroi ulcérée de lsophage, au niveau de la sixième vertèbre cervicale. Il note que : Dès le lendemain de lintervention, lexcitation du sympathique, due aux manuvres pénibles de lextraction se traduisit par de la mydriase du côté droit accompagnée de troubles circulatoires (tachycardie) et respiratoires qui allèrent en samendant. Par contre, la dilatation pupillaire alla en augmentant sans cesse , si bien que [...] trois semaines après lextraction la pupille droite mesurait 8 millimètres au repos et la pupille gauche 4 millimètres seulement. Trois mois après, [...] le petit malade montrait encore une mydriase droite manifeste, mais, de plus, de la ptose de la paupière supérieure, de lénophtalmie, et cette tare devait devenir indélébile.
Le patient ne présente pas de troubles vasculaires de la joue ni de loreille.
Lexamen des pupilles réalisé quelques années plus tard met un évidence une mydriase modérée à droite, avec conservation des réflexes consensuel, photomoteur et daccommodation-convergence. Lépreuve des collyres est en faveur dune mydriase spasmodique par excitation sympathique, la cocaïne étant sans action alors que latropine dilate les deux pupilles.
Examen des pupilles :
Pupille droite |
Pupille gauche | |
Pupille au repos, trois semaines après lintervention | 8 mm | 4 mm |
Pupille au repos, éclairage du jour | 4,5 mm | 3 mm |
Pupille au repos, éclairage mitigé | 5 mm | 3,5 mm |
Réflexe photomoteur | normal | normal |
Réaction consensuelle | normale | normale |
Réaction de convergence et daccommodation | normale | normale |
Instillation de cocaïne à 4 % | 4,5 mm (sans action) | 3 mm (sans action) |
Instillation datropine à 0,1% | 6,5 mm | 7,5 mm |
On retrouve dans la littérature quelques observations brèves de cas similaires [55] : deux cas de paralysie radiculaire du plexus brachial avec mydriase et rétrécissement de la fente palpébrale et un cas de syringomyélie frustre avec hémiatrophie faciale, diminution de la fente palpébrale, énophtalmie et mydriase, qui pourraient relever du même phénomène.
Linterprétation des cas dissociés reste difficile étant donnés leur rareté et le peu de documents à leur sujet. Velter et Tournay [55] rapportent lobservation dune femme ayant une fracture irrégulière de la clavicule avec un éclat effilé sengageant dans la profondeur ; elle présentait un syndrome oculo-sympathique dissocié avec énophtalmie et rétrécissement de la fente palpébrale mais sans troubles pupillaires. On peut évoquer latteinte isolée de certains groupes de fibres au sein de la chaîne sympathique, le même processus provoquant une paralysie de certaines fibres, une excitation dune autre partie du contingent, sachant que latteinte excitatrice représente quelquefois le stade initial de latteinte paralytique. Labsence dobservations détaillées ne permet pas de conclure.
Syndrome de Pourfour du Petit au cours de la poliomyélite antérieure aiguë
Alors quil était plus fréquent dobserver un syndrome de Claude Bernard-Horner dans la poliomyélite antérieure aiguë (paralysie infantile), Babonneix (1921) en rapporte trois cas associés à une mydriase unilatérale [5].
Une jeune fille de vingt ans, sans autre antécédent quun grave traumatisme cérébral survenu à lâge de deux ans, est prise, soudainement, dune paralysie portant sur toutes les branches du nerf moteur oculaire commun. Lune de ses pupilles était considérablement plus large que lautre, et privée de tout mouvement. Lil correspondant était proéminent, la fente palpébrale élargie.
Un jeune homme présente brutalement des troubles paralytiques et atrophiques localisés aux membres supérieurs, mais prédominant à gauche. Il présente une inégalité pupillaire, avec une légère mydriase gauche. Ses réaction pupillaires sont normales, il ny a pas de rétrécissement du champ visuel. Linégalité pupillaire persistait encore au bout de six mois.
Une fillette de treize ans présente dabord une paralysie flasque avec atrophie prédominant aux membres supérieurs. Elle présente ensuite des manifestations spasmodiques, surtout nets aux membres inférieurs, une mydriase de lil gauche. Les réactions photomotrices sont bonnes, il ny a pas de troubles de la musculature oculaire externe ni de lésions du fond dil. Les recherches de laboratoire ont permis déliminer une syphilis.
Dans le premier cas, malgré lassociation de la paralysie oculomotrice, la mydriase, quoique non réactive, est probablement également dorigine sympathique au vu de lexistence du même côté des deux autres signes principaux de syndrome dexcitation : élargissement de la fente palpébrale et exophtalmie. La paralysie des fibres irido-constrictives nexpliquerait pas en effet ces deux symptômes.
Lauteur évoque la probabilité dun foyer de poliomyélite siégeant à la limite de la moëlle cervicale et dorsale qui expliquerait à la fois tous les phénomènes constatés (mydriase sympathique et symptômes moteurs ou sensitifs, en rapport avec une lésion de C8-D1).
Syndrome de Pourfour du Petit par lésion de la région thalamo-hypothalamique
Sainton et coll. (1925) [43] rapportent le cas dun malade qui présentait des troubles sensitifs du côté droit, une légère incoordination et une exagération des réflexes rotulien et tricipital du même côté. Lors du premier examen il nexiste aucun trouble pupillaire. Le diagnostic de tumeur cérébrale ayant été posé, il subit une radiothérapie de la région pariétale gauche. Malgré ce traitement, les troubles augmentent. Il présente ensuite, en plus des signes précédents, des troubles vasomoteurs et thermiques à droite et des troubles oculaires : légère exophtalmie droite avec fente palpébrale élargie et exagération de la sécrétion lacrymale du même côté. Par contre les pupilles sont égales et réagissent normalement. Par la suite dautres nerfs crâniens sont envahis (nerf facial droit, nerf trijumeau). A lautopsie on trouve une tumeur de lhémisphère gauche empiétant sur la ligne médiane et les noyaux gris du côté opposé, siégeant dans la région thalamique gauche occupant les noyaux interne et externe. Elle sétendait en bas dans la région sous-optique, le corps de Luys et le locus niger ; en dehors vers le segment postérieur de la capsule interne et atteignait le putamen ; en dedans elle comblait le troisième ventricule et atteignait la région opto-thalamique droite. [26,43]. On peut expliquer le syndrome de Pourfour du Petit droit par latteinte de la région thalamique droite.
On peut en rapprocher lobservation dun patient présentant une lésion tumorale thalamique gauche (Monodesi 1916). A une hémiplégie droite progressive sans altération des sensibilités était associé un syndrome dexcitation du sympathique droit : exophtalmie légère, élargissement de la fente palpébrale, mydriase et augmentation de la sécrétion lacrymale. A lexamen anatomique, la lésion (dégénérescence kystique dun gliosarcome), siégeait aux deux tiers antérieurs du thalamus gauche, respectant le tiers postérieur de la capsule interne [26].
Une autre observation ancienne (Foix et coll. 1925) [21] rapporte le cas dun patient de 60 ans avec une hémiparésie gauche brutale datant de deux ans sans quil y ait eu dictus ni de perte de connaissance. Lexamen retrouvait un syndrome thalamique gauche peu marqué avec hémiparésie gauche (limitée à une diminution de la force musculaire des extrémités gauches), une prédominance des troubles hémi-algiques gauches, sans troubles de la sensibilité objective, des troubles minimes de la coordination et labsence dhémianopsie. Le patient présentait également un syndrome dexcitation du sympathique oculaire du côté gauche (élargissement de la fente palpébrale, exophtalmie, mydriase), et une hypersudation de la moitié gauche du corps et de lhémiface gauche [21,26].
Les auteurs décrivent ainsi le tableau [21] : On est frappé dès labord par la flagrante dysmétrie des deux yeux du malade, lil gauche étant manifestement plus ouvert que lil droit. Si lon précise, on voit que le globe oculaire gauche est plus saillant, que la fente palpébrale est plus ouverte à gauche, que la paupière supérieure est rétractée comme cela se voit dans le goitre exophtalmique, enfin que la pupille gauche est en mydriase (doù inégalité pupillaire très nette). Lil gauche apparaît plus brillant que lil droit. Lhypothèse dune paralysie du VII supérieur qui vient tout de suite à lesprit sélimine facilement du fait de la rétraction de la paupière supérieure et de lintégrité au point de vue motilité du sourcilier et du frontal. [Il existe] une hypersudation très nette, véritablement anormale, que le malade a notée lui-même depuis 6 mois (lorsquil fait très chaud ou quil travaille), localisée à tout le côté gauche du corps, mais prédominant au niveau de lhémiface gauche où perlent par temps chaud de grosses gouttes de sueur, alors que le côté droit ne transpire pas. La peau du côté gauche apparaît plus moite au toucher [...]. La sécrétion lacrymale est normale. Nous navons pas enregistré de différences nettes entre la vasomotricité des deux côtés du corps au point de vue de la teinte des téguments, de la grosseur des veines, de la température locale. Lexamen oculaire ne retrouvait pas dhémianopsie, loculomotricité est normale, les réflexes pupillaires étaient présents mais diminués à gauche. La radiographie pulmonaire à la recherche danomalie pleuro-pulmonaire ou vertébrale était normale.
Ce patient présentait donc un hémisyndrome sensitif gauche dhyperpathie thalamique sans atteinte des autres formes de sensibilité, une hémiparésie gauche, et un syndrome végétatif associé à une hypersudation de lhémicorps gauche. De laveu même des auteurs, le syndrome végétatif pourrait être un syndrome de Claude Bernard-Horner controlatéral. Ils réfutent cette hypothèse à laide des données de lexamen clinique : hypersudation associée de lhémicorps gauche, exagération du réflexe pilomoteur à gauche qui est normal à droite, mydriase de lil droit après instillation de cocaïne dans cet il. Ils concluent donc à un syndrome dexcitation du sympathique à gauche.
Linterprétation de ce cas clinique reste délicate en labsence dinformation sur les antécédents du patient, sur ses facteurs de risque, sur le reste de lexamen clinique, sur lexistence dune éventuelle pathologie hypertensive et enfin sur lévolution du tableau clinique. Il semble que létat clinique soit resté stable au cours des deux années qui ont suivi lépisode initial. On connaît des formes de syndromes thalamiques hémi-algiques purs sans troubles objectifs de la sensibilité. Ce tableau évoque une pathologie vasculaire ischémique thalamique ou pariétale [57].
On note que dans ce cas le syndrome de Pourfour du Petit et lhyperhidrose sont homolatéraux au syndrome thalamique et à lhémiparésie. Deux hypothèses sont envisageables pour expliquer cette particularité. Certains auteurs ont avancé la possibilité dun croisement partiel des fibres sympathiques au niveau de la décussation de Forel [55,58]. Dautre part on peut évoquer lexistence de plusieurs foyers de nécrose ischémique. Lancienneté de la description et labsence de moyens dinvestigation à lépoque ne permettent pas de conclure avec certitude.
Syndrome de Pourfour du Petit au cours dune hémiplégie capsulaire
On retrouve dans la thèse de J. Périsson [37] un patient atteint dune hémiplégie gauche totale avec déficit facial à la suite dune chute. La ponction lombaire pratiquée aussitôt après le traumatisme nest pas hémorragique. Quatre mois après laccident, il présente une hémiplégie proportionnelle avec de légers troubles de la sensibilité, un déficit facial gauche net accompagné dune mydriase très marquée de la pupille gauche et dun élargissement de la fente palpébrale, les réflexes pupillaires étant tous conservés. Le reste de lexamen est sans particularité, la recherche syphilitique est négative.
Le type de cette hémiplégie est celui observé dans les lésions capsulaires, et les troubles associés (troubles de la sensibilité, atrophie, arthropathies précoces) font penser à lauteur quil sagit dune lésion siégeant dans la région de la capsule interne et des noyaux gris centraux.
Lépreuve des collyres donnait des résultats normaux au niveau de la pupille droite. Au niveau de la pupille gauche en mydriase la cocaïne était sans effet tandis que latropine provoquait un accroissement de la dilatation et une exagération de louverture de la fente palpébrale. Lésérine ne provoquait aucune contraction de la pupille. Daprès lépreuve de Coppez, ces résultats sont en faveur dune mydriase spasmodique par excitation du sympathique.
Cependant, labsence de moyens dinvestigation na pas permis détablir avec certitude le siège précis de la lésion. Lexistence de lésions diffuses dans les syndromes post-traumatiques ne permet pas dattribuer avec certitude le phénomène dexcitation sympathique observé à la lésion responsable de latteinte hémiplégique.
Anévrisme de laorte thoracique à symptomatologie pleuro-pulmonaire
Benda et Kipfer [7] rapportent en 1936 lobservation clinique dun homme de 59 ans hospitalisé pour une dyspnée aiguë qui se révélera secondaire à un anévrisme de laorte thoracique ancien, fissuré et parvenu à combler toute une partie de lhémithorax gauche avec refoulement du médiastin vers la droite. Le champ pulmonaire droit nétait pas atteint.
Aux signes cliniques cardio-pulmonaires est associé un discret syndrome dexcitation du sympathique cervical gauche : mydriase, élargissement de la fente palpébrale, exophtalmie légère.
Le patient étant décédé quelques jours après son admission à lhôpital, lautopsie mettra en évidence un anévrisme sacciforme, énorme, rempli par des caillots anciens, qui se serait rompu en arrière, laissant filtrer le sang dune part dans la gaine péri-sophagienne, dautre part dans la plèvre gauche. Les infiltrations hémorragiques sétendaient bien au delà du médiastin et remplissaient presque tout lhémithorax gauche, formant une gaine serrée autour de lsophage. Le reste de lautopsie ne révèle rien danormal.
Le syndrome dexcitation du sympathique semble avoir été dans ce cas le seul signe de compression médiastinal provoqué par la volumineuse masse anévrismale aortique, constituée progressivement et à bas bruit. On retrouve une observation clinique analogue rapportée par J. Fanning (1922) dun anévrisme de laorte thoracique ayant envahi progressivement le poumon droit et associé à une mydriase gauche isolée [20].
Syndrome de Pourfour du Petit révélant une tumeur pulmonaire apexienne
Première observation
Cole et Berghuis [17] rapportent lobservation dun homme de 57 ans qui consulte à cause dune souffrance de lépaule et du bras droit. Il était en parfaite santé jusquen mai 1963, quand il tombe dans un escalier, et note aussitôt après une douleur de lépaule droite. La gêne saccentue au cours des semaines et des mois qui suivent jusquen octobre 1963, où elle est invalidante, touchant la région pectorale antérieure, la face latérale du thorax, la région scapulaire droite et la face postérieure du bras jusquau coude. A partir de novembre 1963, sont associés épisodiquement des fourmillements de la main droite. Le patient se plaint également de lui-même, indépendamment de la douleur, dune hyperhidrose spontanée du côté droit de la face et de la tête, qui le réveille parfois. A partir de février 1964, il a également noté de petites zones dalopécie du côté droit de la tête, sur la partie droite de la lèvre supérieure, de la face et du menton.
On retrouve dans ses antécédents une poliomyélite à lâge de cinq ans, avec paralysie partielle des deux extrémités inférieures ; il porte depuis un appareillage orthopédique.
A lexamen clinique, on ne retrouve pas danomalie des nerfs crâniens en dehors dune anisocorie : la pupille droite mesure 5,5 mm de diamètre, la pupille gauche mesurant 4 mm. Elles sont toutes deux circulaires et régulières et réagissent vivement à la lumière et à laccommodation. La motricité extra-oculaire est normale. Il ny a pas de modification palpébrale. La station debout est normale, il y a un steppage bilatéral et une diminution de force du membre supérieur droit concernant les muscles innervés par les 5e, 6e et 7e segments cervicaux sans quils soient atrophiés. Les muscles proximaux de ce membre présentent des fasciculations. On retrouve une diminution de force musculaire des membres inférieurs au niveau de la flexion dorsale et plantaire du pied et des orteils, avec une atrophie musculaire bilatérale au-dessous du genou.
Les réflexes ostéo-tendineux sont présents sauf le rotulien gauche et les deux achilléens qui sont absents ; les réflexes tricipitaux sont diminués. Les réflexes cutanéo-plantaires sont en flexion. Lexamen de la sensibilité à la piqûre révèle une diminution sur lextrémité du pouce, de lindex et du médian droits, la proprioception est normale. Une hyperhidrose est notée sur la partie droite de la tête et de la face, intermittente mais marquée lorsquelle est présente. Les aires dalopécie constatées par le patient sont présentes. On remarque comme seule autre anomalie une ostéoarthropathie bilatérale.
Une radiographie pulmonaire met en évidence une opacité de lapex du poumon droit qui se révélera être à la biopsie un carcinome épithélial de grade III.
Après cobaltothérapie, il subit une intervention chirurgicale. On note alors que la tumeur mesurant 2 cm par 2 cm par 1,5 cm est adhérente aux trois branches du plexus brachial et à lartère sous-clavière. Un plan de clivage satisfaisant est obtenu entre lespace rétropleural et les structures contiguës et une résection segmentaire du segment apical est réalisée.
A la suite du traitement, le diamètre des deux pupilles est symétrique, et elles réagissent également à la lumière et à laccommodation. Il ny a pas de modification palpébrale. La transpiration paroxystique du côté droit de la tête et de la face persiste. Deux mois après lopération, bien que lalopécie du visage soit inchangée, une petite zone dalopécie de la tête commence à se couvrir de cheveux blancs. Le patient est suivi pendant dix mois jusquà sa mort et à aucun moment durant cet intervalle, il ne développera un myosis, un rétrécissement de fente palpébrale ou une anhidrose.
On retrouve chez ce patient les manifestations typiques dun syndrome de Pancoast-Tobias que lon rencontre plus souvent associé avec un syndrome de Claude Bernard-Horner. Cette symptomatologie se manifeste ici après une chute. Le patient se plaint spontanément dune hyperhidrose et dune alopécie qui seront confirmées par lobservation clinique ainsi quune mydriase homolatérale. La radiothérapie et lintervention chirurgicale sont suivies dune régression de lalopécie et dune égalisation du diamètre pupillaire, sans modification de lhyperhidrose. Dans lintervalle de survie, on ne constate pas dévolution vers un syndrome de Claude Bernard-Horner.
Lalopécie ne fait pas partie des signes cliniques liés à une lésion du sympathique. Il na pas été retrouvé dautres observations où une alopécie aurait été associée soit à un syndrome dexcitation soit à un syndrome paralytique du sympathique. Il semblerait cependant quait été observée anatomiquement une innervation sympathique pour les follicules capillaires [17], sans quil y ait eu de preuve concluante basée sur des faits expérimentaux. Les auteurs avancent lhypothèse dune vasoconstriction localisée, liée à lexcitation du sympathique cervical, qui provoquerait ainsi lalopécie. Avec la régression partielle du syndrome après la thérapie, la régénération capillaire évoque en effet une relation entre les follicules capillaires et le système sympathique.
Deuxième observation
Cole et Berghuis [17] rapportent une seconde observation dun homme de 65 ans qui commence en septembre 1963 à se plaindre dune gêne douloureuse de son épaule et de son bras gauches associée à des fourmillements de la main gauche. On note un tabagisme de 60 paquets-années. En janvier 1965, il développe une toux avec des crachats teintés de sang, on note une perte de poids de 7 kg. A ce moment la douleur persiste et il remarque lapparition dune hypersudation du côté droit de la face, de lavant-bras et du creux axillaire. Cette hyperhidrose est remplacée un mois plus tard par une anhidrose dans le même territoire.
Il nest malheureusement examiné quen mai 1965. On confirme à ce moment lanhidrose brachio-faciale et on constate un myosis de la pupille gauche. Il existe une diminution globale de la force musculaire du bras gauche et une atrophie des muscles de léminence thénar. La sensibilité à la piqûre est diminuée sur lensemble du bras gauche. Il est cachectique, anorexique et a perdu près de 15 kg.
Lexamen radiologique révèle une érosion du rachis cervical atteignant les vertèbres C5 et C6 ainsi quune large opacité du sommet du champ pulmonaire gauche.
Une biopsie du dôme du poumon gauche sous anesthésie générale révèle un carcinome indifférencié à grandes cellules. On commence la radiothérapie, le patient décède dix jours après le diagnostic anatomo-pathologique.
Ce second patient développe donc une hyperhidrose, dont il se plaint spontanément, dans les seize mois suivant linstallation de la douleur, évoluant dans le mois qui suit vers une anhidrose. Il ny a malheureusement pas eu dexamen pupillaire durant cette période. Lors du premier examen, vingt mois après le début des symptômes, on constate un syndrome de Claude Bernard-Horner qui persiste dans la courte période dobservation.
Lauteur suggère quun interrogatoire soigneux des patients à ce sujet pourrait révéler une plus grande fréquence de lhyperhidrose, précédant ou non un syndrome de Claude Bernard-Horner. Dans ces deux cas la lésion atteint le neurone post-ganglionnaire entre le centre cilio-spinal de Budge et Waller et le ganglion cervical supérieur.
Dans son traité intitulé Sindrome apico-costo-vertebral doloroso por tumor apexiano, J.W. Tobias, en 1931, discute en détail les symptômes complexes produits par les tumeurs apicales thoraciques. Dans un de ces cas, le syndrome de Claude Bernard-Horner a été précédé par des signes dirritation du sympathique [13,54].
On constate donc à propos de ces deux observations que le syndrome dexcitation du sympathique cervical a les mêmes implications diagnostiques anatomiques que le syndrome paralytique. Ainsi, associé à une souffrance du membre supérieur, le syndrome de Pourfour du Petit doit faire envisager un syndrome de Pancoast-Tobias comme lors dun syndrome de Claude Bernard-Horner.
Syndrome de Pourfour du Petit lié à des anévrismes intracrâniens
Nappi [32] rapporte lobservation détaillée dune femme de 52 ans qui souffre depuis plus de vingt ans de céphalées récurrentes pulsatiles gauches.
A la suite dun coryza banal en Décembre 1972 et dune salve déternuements violents, elle se plaint dune douleur du globe oculaire gauche avec sensation de gonflement. Elle constate une saillie anormale de lil gauche. La douleur de lil et la sensation de gonflement durent 2 à 3 heures et se répètent au réveil pendant trois semaines. Par contre la saillie anormale de lil gauche persiste. Il na pas été rapporté de photophobie, ni de souffle sur le trajet de la circulation céphalique, ni de troubles vasomoteurs de lhémiface.
Un premier ophtalmologiste note une angiopathie rétinienne hypertensive ainsi quune asymétrie de la fente palpébrale avec une ouverture plus importante à gauche quà droite, interprétée comme un ptosis de la paupière supérieure droite.
Le 20 Janvier 1973, la patiente est vue par un neurologue qui note une exophtalmie gauche, non pulsatile. Lélectroencéphalogramme est normal. Une dysthyroïdie qui aurait pu expliquer lexophtalmie est éliminée.
Le 9 Février 1973 la patiente est hospitalisée. Lexamen dentrée retrouve :
- une asymétrie de la fente palpébrale plus large à gauche quà droite par rétraction de la paupière supérieure gauche, et une exophtalmie apparente.
- une anisocorie pupillaire avec mydriase gauche de degré moyen.
Pour le reste, lexamen neurologique est négatif ; en particulier ne sont pas mis en évidence de signes de souffrance des nerfs oculomoteurs, ni des V
Figure 7 : Localisation anatomique des syndromes de Pourfour du Petit retrouvés dans la littérature.
Référence |
Mydriase |
Augmentation fente palp. |
Exophtalmie |
Vaso-constriction |
Hyper-hidrose |
Autres |
Etiologie |
Localisation |
Evolution |
[43] Sainton |
Isocorie | Présent | Présent | Présent | Augmentation sécrétion lacrymale | Tumeur thalamique | Mésencéphale | Décès | |
[26] Monodesi | Présent | Présent | Présent |
Augmentation sécrétion lacrymale Hémiplégie |
Tumeur thalamique | Mésencéphale | Décès | ||
[21] Foix | Présent | Présent | Présent | Présent |
Sd thalamique Hémiparésie |
Mésencéphale | |||
[37] Périsson | Présent | Présent | Hémiplégie gauche traumatique | Lésion capsulaire? | |||||
[5] Babonneix |
Présent Présent Présent |
Présent |
Présent |
Séquelles de poliomyélite antérieure aiguë |
Médullaire |
Persistance | |||
[34] Ottomo | Présent | Présent | Lésions médullai-res (adhérences dure-mèriennes) | Médullaire | Régression post-opératoire | ||||
[27] Large | Présent | Présent | Présent | Bloc plexus brachial | Entre origine médullaire et GCI | Persistance mais avec régression | |||
[56] Vernieuwe | Présent | Absent | Absent |
Tachycardie Enophtalmie Rétrécissement de la fente palpébrale |
Traumatisme | Chaîne sympa-thique / C6 (avant GCI) | Persistance | ||
[53] Teeple | Présent | Présent | Présent | Présent | Présent | Sclérotique et muqueuse nasale pâles | Etirement ? | GCI / plexus brachial | Disparition |
[7] Kipfer | Présent | Présent | Présent |
Anévrisme aorte thoracique avec envahissement pulmonaire |
Apex pulmonaire = GCI |
Persistance jusquau décès |
|||
[20] Fanning | Présent | ||||||||
[17] Cole et Berghuis | Présent | Absent | Absent | Présent |
Alopécie Sd de Pancoast |
Tumeur pulmo- naire apexienne |
Apex pulmonaire = GCI |
Persistance | |
CBH | |||||||||
? | Présent |
Sd de Pancoast |
|||||||
[60] Widal et Abrami | Présent | Présent | Présent | Absent | Absent | Goitre | GCM | Persistance | |
[50] Serra | Présent | Présent | Présent | Présent | Présent | Malformation Artère Carotide | GCS | Régression post-opératoire | |
[16] Byrne | Présent | Présent | Absent | Parotidectomie | GCS / plexus carotidien | Persistance | |||
[32] Nappi | Présent | Présent | Présent | Anévrisme intracrânien | Portion intracranienne du sympathique | ||||
Au total sur 19 cas | 17 | 12 | 10 | 3 | 6 |
Le syndrome de Pourfour du Petit dans la littérature.
GCS : Ganglion cervical supérieur. GCM : Ganglion cervical moyen. GCI : Ganglion cervical inférieur. CBH : Syndrome de Claude Bernard-Horner Sd : Syndrome palp : palpébral(e) Présent : Signe présent Absent : Signe explicitement absent
Le schéma et le tableau précédents reprennent les observations de syndrome de Pourfour du Petit que nous avons pu retrouver dans la littérature. Le schéma nous permet de situer les différents niveaux lésionnels rencontrés, les références se rapportent aux observations concernées ; le tableau résume les signes cliniques liés à lexcitation des voies sympathiques retrouvés au cours de ces observations.
Ce tableau et ce schéma permettent de constater que lon peut retrouver des cas de Pourfour du Petit tout au long du trajet des fibres de la chaîne sympathique depuis la région hypothalamique jusquà la portion intracrânienne. Les cas les plus fréquents sont retrouvés dans la portion cervicale du trajet de ces fibres, zone plus exposée aux traumatismes et aux phénomènes compressifs liés à des processus expansifs. Les cas cliniques atteignant les voies sympathiques avant leur émergence médullaire sont peu nombreux, anciens et mal documentés. La littérature qui témoigne de ce syndrome ne lui reconnaît pas pour origine habituelle de lésion supra-médullaire.
Létude de ces cas confirme les notions retrouvées dans la littérature, à savoir que la mydriase est le symptôme constant et donc le plus fréquent, quelle est fréquemment isolée, mais souvent aussi associée à des modifications palpébrales voire à une exophtalmie. Des troubles de laccommodation liés à la mydriase nont été retrouvés que dans deux cas [16,27].
Dans les observations rapportées, lexistence de troubles vasomoteurs et sécrétoires nest pas toujours précisée. Cest seulement dans quelques cas que leur absence est explicitement signalée. Ces signes discrets peuvent ne pas avoir été recherchés. Le patient ne les signale de lui-même que lorsquils sont une source de gêne (en cas dhyperhidrose notamment). Dans ces observations, les troubles vasomoteurs, de la sudation ou lacrymaux ne sont présents que pour des lésions atteignant la chaîne sympathique cervicale en deçà du ganglion cervical supérieur.
Les quelques cas retrouvés où lon a pu établir une étiologie supramédullaire mésencéphalique restent incertains quant à la localisation exacte de la lésion responsable. Dans ces cas [21,26,37,43], les symptômes dexcitation du sympathique sont controlatéraux à la lésion supposée responsable. Nous avons déjà évoqué à ce sujet léventualité dune décussation partielle des fibres sympathiques au niveau de la région sous-thalamique (décussation de Forel). Dans les autres observations , où la lésion responsable est médullaire ou périphérique, le syndrome de Pourfour du Petit est bien homolatéral à cette lésion.
On remarque que toutes les lésions reconnues auraient pu provoquer un syndrome de Claude Bernard-Horner. Dautre part la suppression de la lésion responsable, lorsque cela est possible, entraîne la régression du syndrome de Pourfour du Petit.
Autres cas
La majeure partie des syndromes de Pourfour du Petit retrouvés dans la littérature sont présentés très brièvement en tant quexcitation associée du sympathique cervical dans le cadre dautres pathologies sans que les signes cliniques caractéristiques en soient réellement détaillés. Il ny a généralement pas de suivi du patient et la plupart de ces cas sont signalés dans des articles anciens, avec des diagnostics parfois imprécis.
On a vu que le syndrome de Pourfour du Petit pouvait être le premier stade dun syndrome de Claude Bernard-Horner et que les mêmes lésions pouvaient donner lun ou lautre des deux syndromes.
On a constaté des mydriases par excitation du sympathique cervical précédant linstallation dun syndrome déficitaire dans des tuberculoses pulmonaires apicales, dans des bronchectasies et dans des tumeurs pulmonaires [29,58]. Un pneumologue du début du siècle (Sergent, 1922) écrit : Tout dabord, la dilatation pupillaire simple sobserve avec une très grande fréquence dans la phase de début des lésions apicales (pneumonie, tuberculose, pleurite du sommet, lésions touchant la zone des filets pupillo-dilatateurs) ; en second lieu, la dilatation pupillaire, lorsque la lésion sinstalle et devient chronique, fait place au myosis homologue, qui existe seul pendant un certain temps, avant de saccompagner des autres éléments du syndrome oculo-palpébral... [55].
Les tumeurs de la région de lapex pulmonaire englobent ordinairement lémergence des fibres sympathiques et le ganglion stellaire, produisant alors un syndrome de Claude Bernard-Horner. Chez des patients présentant une telle pathologie on a cependant rapporté une mydriase homolatérale à la tumeur, réactive à la lumière, associée à une hyperhidrose homolatérale. Certains développent ultérieurement un syndrome de Claude Bernard-Horner [3].
Une observation clinique de H. Coppez (1907) apparaît significative, la même lésion pouvant donner un syndrome dexcitation ou un syndrome déficitaire. En effet, il rapporte un cas où une adénopathie cervicale était accompagnée dune mydriase homolatérale de type spasmodique lorsque la tête était droite qui se modifiait en un myosis paralytique dans linclinaison forte de la tête en avant ; cette manuvre accentuait vraisemblablement la compression du sympathique par les ganglions lymphatiques hypertrophiés [24,29].
De nombreux cas ne sont malheureusement quévoqués dans le cadre de publications sur les anomalies pupillaires :
- lors dune compression par une tumeur thyroïdienne (Angelucci) [26] qui provoque la même symptomatologie que lobservation de goitre thyroïdien de Widal et Abrami [60].
- certains auteurs ont également constaté une brève dilatation pupillaire dorigine sympathique à la suite dun thyroïdectomie [58].
- lors dune syringomyélie débutante (Wilbrand et Sænger) [55]
- à propos dune tumeur de lapex pulmonaire englobant lémergence des fibres sympathiques et le ganglion stellaire, qui donne habituellement un syndrome de Claude Bernard-Horner, Bender M.B. [8] signale un patient qui présente une dilatation pupillaire homolatérale réactive, avec une hyperhidrose de la face ipsilatérale. Le syndrome de Pourfour du Petit évolue secondairement en un syndrome de Claude Bernard-Horner.