Portrait de Pourfour du Petit
(1661-1741) peint par Jean Restout en 1737
Introduction
Alors que lĠatteinte paralytique du
systme nerveux sympathique destination oculaire - le
syndrome de Claude Bernard-Horner avec ses trois lments
principaux : rtrcissement de la fente palpbrale, myosis,
enophtalmie - est universellement admise, le syndrome inverse
li lĠexcitation des mmes voies sympathiques est moins bien
connu : cĠest le syndrome de Pourfour du Petit [44].
Le syndrome de Pourfour du Petit, bien que souvent cit par les auteurs
de Neurologie et dĠOphtalmologie traitant des atteintes du sympathique
cervical, nĠest gnralement que trs peu dvelopp dans leurs ouvrages.
Il y est souvent mentionn sous dĠautres appellations : syndrome
dĠexcitation ou dĠirritation du sympathique cervical
[2,18,28,31,44,55,58] ou suractivation des voies sympathiques cervicales
[25], mydriase unilatrale ractive, mydriase unilatrale spasmodique
[28], BernardĠs ou Claude BernardĠs syndrom (uniquement dans la
littrature anglo-saxonne) [24,27,31,61], syndrome oculo-sympathique
irritatif, reversed (reverse) HornerĠs syndrom [2,4,6,58], syndrome de
Biffi-Pourfour du Petit [45], syndrome de Biffi-Claude Bernard [26,55],
syndrome oculo-pupillaire par excitation [26], syndrome de Claude
Bernard-Horner dĠexcitation [21]. Certains auteurs nord-amricains
considrent quĠil est encore la recherche dĠune dnomination [25].
Pour achever la confusion, certains auteurs ont nomm le syndrome de
paralysie du sympathique cervical : syndrome de Pourfour du
Petit-Claude Bernard [55].
Le syndrome de Pourfour du Petit ou dĠexcitation du sympathique cervical
se caractrise par des troubles oculaires : une mydriase discrte
ractive par excitation du dilatateur pupillaire, un largissement de la
fente palpbrale par rtraction de la paupire suprieure, une
exophtalmie modre (souvent conteste chez lĠhomme). Plus
accessoirement on peut retrouver au niveau de lĠhmiface concerne une
pleur et un refroidissement par vasoconstriction, ainsi quĠune
transpiration exagre. Les rflexes pupillaires ne sont pas
perturbs : bien quĠen mydriase, la pupille ragit normalement la
lumire et la convergence [18, 28]. CĠest donc en fait lĠinverse du
syndrome de Claude Bernard-Horner dont il peut cependant constituer le
mode dĠinstallation [18,27,28,45].
Ce syndrome est relativement rare dans sa forme complte mais il en
existe des cas dissocis. La mydriase caractristique qui est le signe
quasi-constant et capital est en effet souvent isole [44].
Les tiologies de ce syndrome doivent tre recherches tout au long du
trajet des fibres sympathiques destination oculaire [44]. On retrouve
habituellement les mmes causes que pour le syndrome de Claude
Bernard-Horner [45].
Il faut prciser que le syndrome dcouvert exprimentalement chez
lĠanimal par Pourfour du Petit en 1727 est en fait le syndrome
dficitaire ou paralytique du sympathique. CĠest le syndrome de Claude
Bernard-Horner dont la premire observation chez lĠhomme est dcrite en
1869 par Horner [26].
Au cours de ses expriences sur lĠinterruption du sympathique chez le
chien, F. Pourfour du Petit a dcrit brivement les
effets inverses produits par la stimulation de ce mme nerf. A partir de
ces expriences, il a montr lĠessentiel du rle oculaire du sympathique
cervical. Nos connaissances ce sujet ont leur point de dpart dans un
de ses mmoires communiqu lĠAcadmie Royale des Sciences en 1727
[26].
Le syndrome dĠexcitation du sympathique chez lĠhomme, que lĠon connat
maintenant sous le nom de syndrome de Pourfour du Petit, a t galement
tudi par Serafino Biffi au cours de ses expriences en 1846, puis par
dĠautres auteurs, dont Claude Bernard principalement, qui le
reproduiront exprimentalement chez lĠanimal.
A lĠoccasion de deux cas, nous nous proposons de reprendre lĠtude
historique, physiopathologique et diagnostique de ce syndrome mconnu.
Historique
Ce syndrome a t dnomm ainsi en
mmoire de Franois Pourfour du Petit, chirurgien des armes de Louis
XIV et anatomiste franais n Paris (24 Juin 1664- 18 Juin 1741).
Aprs lĠchec de premires tudes classiques, il sĠinscrit
lĠuniversit de Montpellier o il tudie la mdecine et obtient son
diplme de mdecin en 1690. Il continue dĠtudier Paris lĠanatomie, la
botanique, la chimie et la chirurgie lĠhpital de la Charit. Il est
ensuite Mdecin des Armes de Louis XIV o il sert durant les deux
grandes campagnes qui se sont termines par les traits de Ryswick
(1697) et dĠUtrecht (1713). Il sera galement nomm Mdecin des Hpitaux
du Roi Namur o il poursuit nombre de ses expriences. Aprs avoir
quitt le service du Roi, il sĠinstalle Paris et est lu en 1722
membre de lĠAcadmie Royale des Sciences. Il se spcialise presque
exclusivement dans la pathologie et la chirurgie oculaire o il sera
reconnu non seulement comme un habile oprateur dans la chirurgie de la
cataracte, mais aussi comme un ingnieux crateur dĠinstruments
dĠophtalmologie [10,11].
Il a dcrit le premier certaines fonctions du systme sympathique
cervical, en tudiant les effets oculaires chez lĠanimal de la section
de ce nerf [10,27]. Ses observations et ses expriences ont permis la
mise en vidence du sens rel du trajet des Ònerfs intercostauxÓ, nom
donn par Thomas Willis la chane sympathique [10]. Les
neuro-anatomistes du XVIIe sicle, Thomas Willis (1621-1675) et Raymond
Vieussens (1641-1716) en particulier, pensaient que ces Ònerfs
intercostaux naissaient par deux ou trois rameaux issus de la cinquime
et de la sixime paires crniennesÓ [10,26,36] ; ils crivaient
que : ÒlĠintercostal sort du crne par le mme trou o pntre
lĠartre carotide, et de l, ce nerf se rpand dans la poitrine et dans
le bas-ventreÓ [26].
CĠest partir de 1705 que F. Pourfour du Petit commence rfuter les
conceptions de lĠpoque sur lĠorigine du nerf intercostal. A la lumire
de ses expriences dans les Hpitaux du Roi Namur o il tudie
particulirement les plaies cervicales par coup dĠpe et de ses
exprimentations de section du sympathique cervical chez le chien, il
acquiert la conviction vers 1720 que le nerf sympathique trouve son
origine dans la molle pinire. Ses mthodes de travail se
caractrisent par la reproduction exprimentale sur lĠanimal des lsions
observes chez lĠhomme [10,26].
Il crit dans un mmoire de 1726 intitul ÒMmoire sur plusieurs
dcouvertes faites dans les yeux de lĠhommeÓ : ÒLĠon nĠavait pas
compt jusquĠ prsent le nerf intercostal entre les nerfs qui se
distribuent aux yeux : on a cru [É] quĠil tirait son origine de la
cinquime et de la sixime paires des nerfs du cerveau ; mais jĠai
dcouvert que ce nerf doit sa naissance aux nerfs vertbraux et que
quelques rameaux de la branche qui accompagne lĠartre carotide interne
vont se joindre ces deux nerfs pour se distribuer dans les yeux,
peut-tre aussi dans lĠoreille et dans le visage pour y exciter les
mouvements pathtiques.Ó Il prouve dans ce mmoire que le sens du trajet
du sympathique est lĠinverse de celui qui tait admis jusquĠalors
[10,26].
Il complte ses dcouvertes dans un mmoire de 1727 lĠAcadmie Royale
des Sciences : Ò Mmoire dans lequel il est dmontr que les
nerfs intercostaux fournissent des rameaux qui portent des esprits dans
les yeux Ó. Il y remarque chez lĠanimal, Òpar quantit
dĠexpriences faites sur les animaux vivants que lĠexcitation des nerfs
intercostaux fait devenir les yeux plus brillants, plus vifs et plus
veills et les pupilles plus dilates. La section de lĠun de ces nerfs
amne une constriction pupillaire, un retrait du globe de lĠÏil
correspondant et une saillie de la troisime paupire qui sĠavance au
devant de lĠÏil. De plus elle provoque des troubles trophiques
oculaires, un affaissement de la corne et une hyperhmie de la
conjonctiveÓ quĠil attribue Ò une lgre inflammation de la conjonctive
par le gonflement des vaisseauxÓ [26]. Il met donc en vidence dans ce
mmoire les effets oculaires de la section du nerf sympathique dans le
cou. Il y voque galement les effets de sa stimulation sans dvelopper
plus cette dcouverte.
Il ajoute par la suite des remarques sur les modifications de la
scrtion sudorale (diminution de la scrtion aprs section) et sur les
rsultats comparables obtenus aprs extirpation du ganglion cervical
suprieur, ce que dĠautres dĠexprimentateurs vrifient [10,26,55].
Poursuivant ses recherches, il acquiert la conviction que les nerfs
ciliaires contrlent la dilatation pupillaire (ce que pensait galement
Raymond Vieussens) et quĠils sont en relation avec le nerf sympathique.
F. Pourfour du Petit met galement en vidence lĠinnervation partielle
du muscle dilatateur de la pupille par la chane sympathique cervicale.
F. Pourfour du Petit fut ainsi lĠorigine de la dcouverte
exprimentale du syndrome de Claude Bernard-Horner dont la premire
description clinique fut donne en 1869 par Horner. Bien que ses
rsultats soient dcisifs, ils furent largement ignors jusquĠau
dix-neuvime sicle [11].
Winslow attache aux Ònerfs intercostauxÓ vers 1732 le nom de grand
sympathique [55]. Il confirme les rsultats des travaux de Pourfour du
Petit, savoir le trajet ascendant de la chane sympathique cervicale
en se basant sur la diminution progressive de son calibre [26]. Comme il
existe Òune sympathie manifeste entre le nerf vague et le nerf
intercostal, et comme ces deux nerfs sont ceux qui fournissent
principalement aux viscres et quĠils communiquent dĠailleurs avec la
plus grande partie des autres nerfs du corpsÓ, cela incite Winslow les
appeler du nom de nerfs sympathiques [26].
LĠItalien Serafino Biffi (1822-1899) sĠintresse au syndrome
dĠexcitation du sympathique en 1846 lĠoccasion de ses tudes
exprimentales sur le sympathique cervical [26,55]. Il apporte la
contrepartie des expriences de Pourfour du Petit en montrant que si la
section sympathique provoque un myosis, la stimulation lectrique de
lĠextrmit suprieure du nerf sectionn provoque une mydriase
[23,26,55].
Les travaux et les expriences de section du sympathique cervical de F.
Pourfour du Petit et les expriences dĠexcitation du sympathique de
S. Biffi sont repris quelques annes plus tard par Claude Bernard
(1813-1878), mdecin et physiologiste franais [26,42]. Il confirme et
complte ces expriences et donne galement la description complte des
effets oculaires sur lĠanimal de cette section du sympathique cervical.
Il y ajoute celle des effets vasomoteurs et thermiques [12,55].
Claude Bernard travaille sur la stimulation lectrique de lĠextrmit
cphalique du sympathique cervical sectionn et note dans une
communication de novembre 1852 la Socit de Biologie que :
Ò[...] le galvanisme produit les effets diamtralement opposs. Si on
galvanise le bout suprieur du grand sympathique divis, tous les
phnomnes qui ont d se produire changent de face : la pupille
sĠlargit, lĠouverture des paupires sĠagrandit. LĠÏil fait saillie hors
de lĠorbite ; dĠactive quĠelle tait, la circulation devient
faible ; la conjonctive, les narines, les oreilles, qui taient
rouges, plissent. On cesse la galvanisation. Tous les phnomnes
primitivement produits par la section reparaissent peu peu, pour
disparatre de nouveau une seconde application du galvanisme. On peut
continuer volont cette exprience, la rpter autant de fois que lĠon
voudra, toujours ses rsultats seront les mmes [É]Ó [9,12].
Il dcrit ainsi les lments du syndrome dĠexcitation : mydriase,
exophtalmie, largissement de la fente palpbrale, modification de la
tension oculaire qui sĠabaisse, modification de la circulation par
vasoconstriction.
DĠautres tudes sont faites sur les effets vasomoteurs et thermiques de
la stimulation du sympathique. C. E. Brown-Sequard fait ainsi dans le
mme temps que Claude Bernard des constatations identiques quĠil dcrit
dans un Mmoire de Janvier 1854 lĠAcadmie des Sciences : Ò Sur les
rsultats de la section et de la galvanisation du nerf grand sympathique
au couÓ [12,14,15,55].
En 1851, Budge et Waller reprenant galement les travaux de
F. Pourfour du Petit et de S. Biffi sur le sympathique, montrent
que les effets obtenus partir du sympathique cervical peuvent aussi
lĠtre depuis la rgion de la molle cervicale et dorsale dĠo partent
les rameaux communicants allant au ganglion stellaire. La conclusion de
leurs expriences fut la description du centre cilio-spinal infrieur
dit de Budge et Waller [55].
La poursuite des tudes anatomo-cliniques et exprimentales de section
et de stimulation du sympathique cervical permet ainsi de localiser la
plupart des centres sympathiques : centre de Budge et Waller mais
aussi les centres bulbaire, protubrantiel et msencphalique. Pour leur
part, Karplus et Kreidl se sont attachs lĠtude des centres
sympathiques de la rgion hypothalamique (centre hypothalamique de
Karplus et Kreidl) [19,55].
Le syndrome exprimental dĠexcitation du sympathique a donc permis de
nombreux auteurs (Budge, Waller, Karplus, Knoll, Ferrier, Hensen,
Vlckers, Kreidl.....) de situer le passage des voies sympathiques
cervicales.
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